Affaire Charest: Legault n’exclut pas des excuses

QUÉBEC — Le premier ministre François Legault a dit mercredi qu’il n’exclut pas de présenter des excuses à son prédécesseur libéral Jean Charest, qui a obtenu 385 000 $ en dommages-intérêts de l’État québécois mardi.  

L’ancien premier ministre a ainsi eu gain de cause en Cour supérieure contre le gouvernement et l’Unité permanente anticorruption (UPAC), pour divulgation illégale de renseignements personnels.

Dans une déclaration publiée mercredi matin, M. Charest rappelle qu’à l’origine, il avait réclamé des excuses pour régler toute cette affaire. 

«Cette demande d’excuses n’a jamais fait l’objet d’un accusé de réception…», écrit-il avec trois points de suspension sur son fil Twitter.

«C’est pourquoi j’ai été contraint de recourir aux tribunaux», a-t-il justifié en précisant que les dommages qui ont été causés à sa famille et à lui par toute cette affaire sont «irréparables».  

Il souhaite d’ailleurs que le Bureau des enquêtes indépendantes et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) «fassent suite aux actes criminels» de l’UPAC, en d’autres mots, que des accusations soient déposées. 

Dans une courte mêlée de presse mercredi matin, M. Legault s’est d’abord lavé les mains en attribuant la faute au précédent gouvernement libéral, qui avait nommé le commissaire de l’UPAC de l’époque, Robert Lafrenière.  

«Est-ce que moi, je dois faire des excuses au nom du gouvernement? Je n’exclus pas ça, mais on va analyser ça comme il faut.»

Le chef libéral par intérim, Marc Tanguay, croit que toute cette histoire a eu un impact négatif sur la marque libérale. «L’UPAC a des questions à se poser et a un défi de crédibilité», a-t-il affirmé.  

En 2021, Geneviève Guilbault, alors ministre de la Sécurité publique, avait brandi le livre PLQ inc. au Salon bleu, soulevant l’ire de l’ancien premier ministre libéral. 

«Je crois qu’il aurait été bien avisé de ne pas brandir le livre, a dit Marc Tanguay. Elle se ‘paie la traite’, mais elle n’aurait pas dû faire ça.» 

Le livre se penchait notamment sur des allégations de financement illégal au sein du PLQ. 

Cette décision de la Cour supérieure du Québec intervient dans le cadre de la poursuite de M. Charest contre le gouvernement pour divulgation illégale de ses renseignements personnels lors d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

M. Tanguay ne croit pas que cette histoire ait pu contribuer à la défaite du parti lors des dernières élections, mais il estime que «ça n’a pas aidé» son parti.

Québec solidaire

Québec solidaire n’a pas voulu dire si Jean Charest méritait des excuses de l’UPAC. 

«Je ne conteste pas la validité du jugement. Si l’UPAC veut s’excuser, ça devrait être aux Québécois pour avoir échoué à accomplir sa mission», a soutenu le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois. 

«Je ne vois pas pourquoi le gouvernement actuel devrait s’excuser», a-t-il ajouté.

Parti québécois

Le Parti québécois (PQ) a choisi d’être plus prudent. Le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a laissé entendre que les avocats de M. Charest étaient peut-être en train d’écouter soigneusement ce que les élus affirmaient ce mercredi matin au parlement.

Quant à savoir si M. Charest est maintenant blanchi de toute allégation ou tout soupçon, M. Bérubé a répondu: «Il n’est pas coupable, je suis obligé de dire ça.»

Jugement

La décision rendue par le juge Gregory Moore mardi a reconstitué le fil des événements. 

En avril 2014, l’UPAC entreprend l’enquête Mâchurer, sur le financement sectoriel mené par le Parti libéral.

Trois ans après, le Journal de Montréal a publié des documents détenus par l’UPAC. 

Ils révèlent notamment que M. Charest a été sous surveillance policière et que l’UPAC cherchait à obtenir ses communications avec Marc Bibeau, présenté comme le grand argentier du PLQ à l’époque où M. Charest le dirigeait. 

L’UPAC voulait aussi connaître les allées et venues aux frontières des deux hommes. Dans ces documents, l’UPAC disait enquêter sur la corruption et l’abus de confiance, deux infractions criminelles. 

Des renseignements personnels sur M. Charest ont aussi été refilés au Journal.

Le Commissaire de l’UPAC a confirmé qu’un membre de son organisation était responsable de la fuite et qu’une enquête administrative était lancée pour en déterminer l’origine.

Étant donné la gravité de l’affaire, le ministère de la Sécurité publique a demandé en 2018 au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) de faire la lumière sur les fuites.

Il a relevé un total de 37 fuites aux médias entre 2012 et 2018. Mais par la suite, l’enquêteur du BEI a revu à la hausse le nombre de fuites pour l’établir à 54.  

«(M. Charest) est humilié par l’inférence qu’il est un criminel et frustré parce que cette insinuation n’est pas vraie», rappelle le juge Gregory Moore. 

Un membre de l’UPAC est à l’origine de la fuite, a confirmé le Procureur général du Québec. 

Par conséquent, le commissaire de l’UPAC «a failli à son obligation de protéger les renseignements personnels de M. Charest».

Qui plus est, «le défaut du Commissaire de respecter plusieurs lois qui protègent les renseignements personnels et les informations conservées aux dossiers d’enquête constitue une faute lourde», argue le juge. 

«Un commissaire ou un membre de l’UPAC qui enfreint autant de lois qui encadrent ses fonctions fait preuve d’une insouciance, d’une imprudence et d’une négligence grossières vis-à-vis ses obligations», tranche le juge, en concluant que l’intention et la faute lourde sont prouvées. 

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