MONTRÉAL – Le jeune Jérémy Gabriel a accueilli avec soulagement le verdict du Tribunal des droits de la personne dans le dossier l’opposant à Mike Ward, mais n’a été aucunement surpris d’apprendre que l’humoriste prévoyait porter la cause en appel.
Mercredi, le Tribunal a condamné Mike Ward à verser 35 000 $ à M. Gabriel à titre de dommages moraux et punitifs.
Le Tribunal des droits de la personne a déterminé que Mike Ward a porté atteinte au droit à l’égalité du jeune homme en tenant des propos discriminatoires fondés sur son handicap lors d’un spectacle présenté à 230 reprises de 2010 à 2013. L’humoriste devra également verser 7000 $ à la mère du jeune homme.
Jérémy Gabriel, qui souffre du syndrome de Treacher Collins, s’était fait connaître entre autres pour avoir chanté devant le pape et Céline Dion.
Dans sa décision de 33 pages, le Tribunal a donné raison à Jérémy Gabriel et à ses parents ainsi qu’à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui soutenaient que les propos tenus par l’humoriste sur le handicap du jeune homme avaient «porté atteinte à son droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, sans discrimination».
En entrevue avec La Presse canadienne, Jérémy Gabriel a déclaré que la décision de Mike Ward et de son avocat, Me Julius Grey, de porter la cause en appel prouve que l’humoriste n’a pas compris ce qui lui est reproché.
«C’est une incompréhension de sa part, du motif de la plainte, du motif de la Commission des droits de la personne, de la cause qu’il clame défendre: la liberté d’expression», a-t-il indiqué.
Par communiqué, le Tribunal expliquait mercredi que les arguments de Mike Ward sur sa liberté d’expression — qui lui donnait le droit, dit-il, de se moquer du jeune garçon — et sur la «différence très nette entre l’acharnement contre une personne et une oeuvre artistique produite devant un public consentant» ont été rejetés par le juge Scott Hughes. Selon le juge, le litige mettait en opposition deux droits fondamentaux: la liberté d’expression et le droit d’être protégé contre des propos discriminatoires. Or, le Tribunal a conclu dans cette affaire que le second droit devait prévaloir.
Pour Jérémy Gabriel, l’enjeu dans ce dossier n’en est tout simplement pas un de liberté d’expression.
«Je vais continuer de le dire, c’est évident que c’est un faux débat, par rapport à la liberté d’expression, parce que quand on utilise des motifs discriminatoires, quand on utilise des motifs diffamatoires, incitant à la haine, on ne peut pas parler de liberté d’expression. Dans le cas de M. Ward, les blagues et le sketch de « Mike Ward s’expose » ne peuvent pas se situer sous le socle de la liberté d’expression parce qu’ils viennent directement attaquer mes droits, mon droit à l’égalité. C’est principalement ça que je voulais prouver», a-t-il dit.
Le jeune homme de 19 ans admet qu’il a connu des moments difficiles depuis le début des procédures, mais que malgré tout, jamais il n’a eu envie d’abandonner le combat. Il se sent d’ailleurs prêt à le poursuivre, si nécessaire.
«Si ça a à se poursuivre, ça va se poursuivre et je vais être présent», a-t-il assuré.