OTTAWA — Le ministre des Finances, Bill Morneau, dit que le gouvernement a décidé de s’en tenir à «des critères très simples» pour aider ceux qui sont affectés par la pandémie de la COVID-19 afin de distribuer l’argent dans les meilleurs délais, même si certains passent à travers les mailles du filet.
Le grand argentier de l’État a été questionné pendant près d’une heure par les membres du Comité permanent des finances, réunis jeudi par téléconférence, qui avaient de nombreux cas d’exception à lui soumettre.
La libérale Julie Dzerowicz a fait valoir que des travailleurs contractuels ou oeuvrant dans le domaine du numérique dans sa circonscription ne pouvaient pas présenter une demande pour la prestation d’urgence de 2000 $ par mois à moins de laisser tomber tous leurs contrats.
Le bloquiste Gabriel Ste-Marie a pour sa part soulevé l’exemple des pompiers volontaires ou des politiciens municipaux qui reçoivent des revenus d’appoint pour leur travail, même s’ils ont perdu leur principal salaire en raison de la COVID-19.
Le gouvernement s’en remet à trois critères pour livrer la prestation d’urgence de 2000 $ par mois.
Un travailleur doit avoir gagné au mois 5000 $ dans la dernière année, ne doit plus recevoir de salaire en raison de la COVID-19 et doit prouver qu’il n’a pas travaillé — ou ne s’attend pas à travailler — pendant 14 jours consécutifs dans une période de quatre semaines.
Alors que les prestations d’urgence seront disponibles la semaine prochaine, des analyses suggèrent que des centaines de milliers de travailleurs n’auront pas droit au programme de 24 milliards $ ni au programme de subventions salariales de 71 milliards $ pour aider les entreprises à garder leurs employés.
Ce programme de subventions salariales doit être en vigueur dans un maximum de six semaines.
Mais M. Morneau a laissé entendre que les délais auraient été encore plus importants si le gouvernement avait tenté de répondre à toutes les situations individuelles, dans un contexte de crise économique.
«Nous tentons de nous assurer que les systèmes sont prêts et opérationnels afin de livrer des revenus aussi rapidement de possible», a-t-il affirmé par téléconférence.
«Je reconnais que cela occasionne des situations difficiles pour certaines personnes qui reçoivent encore des revenus, mais nous n’avons tout simplement pas la capacité d’administrer des types de plans multiples tout en livrant l’argent aux gens rapidement.»
Le ministre a laissé entendre que plus de détails et d’aide devaient venir pour combler les lacunes de son programme fédéral d’urgence qui est estimé à plus de 250 milliards $ — dont quelque 105 milliards $ en aide directe pour les travailleurs et entreprises.
L’aide aux travailleurs, soit la Prestation canadienne d’urgence (PCU), sera disponible dès le 6 avril.
Le gouvernement s’attend à une explosion de demandes. Déjà, plus de 2,1 millions de Canadiens ont soumis une demande pour l’assurance-emploi dans les deux dernières semaines. Cela prouve à quel point l’activité économique a diminué depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Une analyse publiée jeudi matin par le Centre canadien de politiques alternatives a toutefois estimé que le tiers des chômeurs, soit 862 000 Canadiens, ne recevront rien des programmes fédéraux — ni la nouvelle PCU, ni l’assurance-emploi.
Environ 1,2 million de Canadiens cherchaient déjà du travail avant que la COVID-19 ne mette l’économie en pause, selon l’analyse. L’économiste principal du centre, David Macdonald, estime que la moitié d’entre eux n’étaient déjà pas admissibles à l’assurance-emploi et qu’ils ne seront pas non plus admissibles à la nouvelle Prestation d’urgence, parce que leur emploi n’a pas cessé en raison du coronavirus.
La subvention salariale de 75 pour cent, elle, prendra entre trois et six semaines à mettre sur pied et viendra en aide aux entreprises de toutes les tailles, ainsi que les organismes à but non lucratif, les organismes de bienfaisance, les restaurants et les bars.
Les entreprises devront avoir perdu 30 % de leurs revenus pour se qualifier au programme et recevront les fonds d’ici trois jours ouvrables avec un dépôt direct, ont confirmé des fonctionnaires du gouvernement lors de la rencontre du comité des finances.
Mais le Parlement doit d’abord donner le feu vert au programme, qui ne faisait pas partie du plan d’urgence adopté la semaine dernière. Le conservateur Pierre Poilievre a d’ailleurs réprimandé le ministre Morneau, en comité, pour avoir dévoilé le programme sans l’aval des députés.
Plus tôt en journée jeudi, le directeur parlementaire du budget a dévoilé ses estimations pour certaines mesures fédérales.
Yves Giroux a estimé que les trois mesures annoncées par Ottawa pour aider les personnes à faible revenu, les familles et les personnes âgées à surmonter le choc économique de la COVID-19 coûteront plus de 8 milliards $ au trésor public.
Il a indiqué que le paiement du crédit spécial pour la TPS à 13,2 millions de personnes coûtera 5,67 milliards $. Par ailleurs, l’augmentation de l’Allocation canadienne pour enfants de 300 $ par enfant pour le mois de mai à 3,4 millions de bénéficiaires coûtera 1,9 milliard $, estime le bureau de M. Giroux. L’allocation moyenne sera de 556 $ par bénéficiaire.
Enfin, la réduction de 25 pour cent du montant que les personnes âgées devront retirer cette année de leur Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) coûtera 506,5 millions $ au trésor public, selon le directeur parlementaire du budget.