OTTAWA — Les anciennes ministres fédérales Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott ont finalement rejeté la main tendue d’Elizabeth May de joindre les verts: les deux élues se représenteront aux prochaines élections comme candidates indépendantes.
Elles en ont fait l’annonce lundi à quelques minutes d’intervalle — Mme Wilson-Raybould dans sa circonscription de Vancouver-Granville, en Colombie-Britannique, et Mme Philpott à Markham-Stouffville, en Ontario. Les deux anciennes ministres avaient été expulsées du caucus libéral le mois dernier par le premier ministre Justin Trudeau dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin.
La chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, soutient même qu’elle a proposé de céder son poste à Mme Wilson-Raybould, qui a décliné l’offre. Mme May a indiqué lundi qu’elle avait fait cette proposition à l’ancienne ministre lors de leur première conversation après l’éviction de Mmes Wilson-Raybould et Philpott du caucus libéral. L’ex-ministre libérale de la Justice aurait dû quand même être élue par les membres dans une course à la direction.
Mme Wilson-Raybould a admis lundi avoir «très sérieusement» songé à joindre le Parti vert; Mme Philpott a pour sa part décrit Elizabeth May comme une «alliée».
La chef des verts estime que Mme Wilson-Raybould jouit d’une prestance impressionnante et a affirmé qu’elle voulait faire élire le plus de députés verts possible. Mmes Philpott et Wilson-Raybould ont admis lundi qu’elles se sentent des affinités avec le Parti vert, en particulier en ce qui concerne les changements climatiques. Mais Mme Philpott a indiqué qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour décider si elle souhaitait rejoindre les verts, alors que Mme Wilson-Raybould a expliqué qu’elle n’est «pas une femme de parti» et qu’elle ne voulait surtout pas en rejoindre un autre après avoir quitté les libéraux.
Mme Wilson-Raybould a déclaré devant des partisans qu’elle avait reçu de très nombreux messages quant à l’importance de faire de la politique différemment. C’est pour cela qu’elle a décidé de ne pas se présenter sous une bannière en particulier.
Les deux femmes, vêtues en blanc pour l’occasion, espèrent amorcer un mouvement pour encourager davantage de candidatures indépendantes. «Le blanc va avec tout! Ça marche avec du bleu, de l’orange, du rouge, du vert…», a lancé à la blague Mme Philpott.
À son avis, les gens en ont marre de la politique «hyper partisane» et des initiatives à courte vue qui seront abandonnées dès qu’il y aura un changement de gouvernement. «J’ai entendu vos doléances. Vous dites que vous voulez des politiciens qui se traitent avec respect, qui vont collaborer et travailler ensemble peu importe les allégeances politiques», a lancé Mme Philpott.
Mme Wilson-Raybould a servi comme ministre de la Justice, avant d’être rétrogradée aux Anciens Combattants lors d’un remaniement ministériel au mois de janvier. Elle a par la suite démissionné de son poste. Mme Philpott a été ministre fédérale de la Santé, avant d’atterrir à la tête du nouveau ministère des Services aux Autochtones. Au moment de sa démission, elle venait d’être nommée présidente du Conseil du trésor.
May déçue de leur décision
Mme May n’a pas caché sa déception après l’annonce des deux candidates qu’elle tentait de recruter dans ses rangs. La chef du Parti vert estime qu’elles ont fait une «erreur» en choisissant de se présenter comme indépendantes.
Tout d’abord, il est «très difficile» de se faire élire sans bannière politique, a fait savoir Mme May. Et même si elles sont élues, la tâche s’annonce titanesque pour faire avancer des dossiers et représenter leur circonscription, avec peu de personnel et peu de ressources.
«Je ne comprends pas pourquoi elles pensent qu’elles seraient en meilleure posture comme indépendantes que comme députées vertes», a dit Mme May.
En vertu de la constitution du Parti vert du Canada, le parti doit présenter des candidats dans toutes les circonscriptions. Mais les associations locales de Vancouver-Granville et Markham-Stouffville pourraient décider de présenter un «candidat poteau» afin de favoriser Mmes Wilson-Raybould et Philpott dans leurs circonscriptions respectives. «Mais ce n’est pas ma décision», a précisé Mme May.
«Bonne chance», disent les libéraux
Les ex-collègues libéraux de Mmes Wilson-Raybould et Philpott croisés lundi n’ont pas été très volubiles à la suite de l’annonce des deux anciennes ministres. La majorité leur ont simplement souhaité «bonne chance».
Seul le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, François-Philippe Champagne, s’est avancé en disant que les électeurs auront un choix à faire entre l’original et la copie.
«Je me dis: les Canadiens auront le choix entre des candidates qui aiment la plateforme libérale et des candidats libéraux qui vont être là pour mettre en place la plateforme», a-t-il commenté à l’entrée de la période des questions.
Pablo Rodriguez, le ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme, a réfuté la présomption selon laquelle les députés seraient moins libres d’exprimer leur opinion en raison d’une ligne de parti.
«La politique, c’est avant tout un sport d’équipe, a-t-il dit. On gagne ensemble, on perd ensemble. On se serre les coudes quand ça va bien, on se serre les coudes quand ça va moins bien. Parfois, je gagne mes points de vue, parfois non.»
Une autre députée y songe
L’initiative de Mmes Wilson-Raybould et Philpott a aussi inspiré une autre députée qui siège comme indépendante depuis l’affaire SNC-Lavalin.
Élue en 2015 dans Whitby, en Ontario, Célina Caesar-Chavannes avait déjà annoncé qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections. Mais elle pourrait revenir sur sa décision, a-t-elle confirmé lundi.
«C’était inspirant de voir Jane et Jody aujourd’hui faire leur annonce et de parler de faire de la politique différemment», a expliqué Mme Caesar-Chavannes.
Pourrait-elle imiter ses anciennes collègues? «C’est définitivement quelque chose à considérer. (…) Je vais y penser, c’est certain», a laissé tomber la députée.