OTTAWA — La nouvelle députée libérale dans la circonscription montréalaise et particulièrement anglophone de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, Anna Gainey, a refusé mordicus, mercredi matin, de dire si elle croit que le français est en déclin au Québec. Son équipe a plus tard transmis une déclaration vague dans laquelle elle ne répond pas directement à la question.
«Ici, aujourd’hui, on est là pour arriver à Ottawa. On commence notre travail. On a fait des belles partielles dans plusieurs régions au Canada. J’ai vraiment hâte d’être ici à mon premier caucus», a-t-elle d’abord répondu à un journaliste qui la questionnait.
Face à la presse parlementaire qui se faisait insistante, la nouvelle élue a tout fait pour passer à autre chose. «J’ai d’autres collègues ici qui voudraient parler», a-t-elle insisté en se tournant vers ceux qui la suivaient dans un couloir.
«J’ai entendu une question d’en arrière», a d’ailleurs lancé l’un d’eux en anglais. Mais la question sur le déclin du français revenait sans cesse. «Oui ou non, (…) c’est un mot», insistaient au moins trois journalistes. «Pourquoi ne pas répondre à la question?», s’est-elle aussi fait demander.
L’ancienne présidente du Parti libéral a alors prétendu que «c’est à Ben (Carr, un autre nouvel élu) de répondre à la question», ce à quoi la presse parlementaire lui a signalé que «c’est nous qui choisissons les questions, vous choisissez les réponses».
Dans une déclaration écrite transmise en fin d’après-midi par son équipe de campagne, Mme Gainey affirme être «préoccupée par la protection de la langue française au Québec et dans l’ensemble du Canada».
Elle ajoute que les mesures prises par le gouvernement libéral pour promouvoir le français et le «protéger contre son déclin» doivent continuer, mais ne précise pas si elle reconnaît que le déclin en question est au Québec ou si elle le considère à l’échelle du pays.
Mme Gainey est au nombre des quatre nouveaux députés élus lundi soir au terme d’élections partielles qui n’ont pas changé la couleur de la carte électorale canadienne.
Son parti, qui forme le gouvernement, s’est maintes fois dit préoccupé par le déclin du français au Québec et ailleurs au pays. Il vient de faire adopter une réforme de la Loi sur les langues officielles dans l’espoir de s’y attaquer.
Au cours des dernières années, la députée libérale de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos, avait été forcée de démissionner du comité des langues officielles après avoir nié le déclin du français au Québec.
Appelé à commenter les événements qui venaient de se produire, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a évoqué qu’«elle a dû garder l’exécutif de (Marc) Garneau», en référence à son prédécesseur qui a été l’un des principaux meneurs d’une charge pour faire retirer toute référence à la Charte de la langue française du Québec de la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles.
Mais surtout, M. Blanchet lui a reproché d’avoir mené une campagne «arrogante» où elle n’a pas eu «le respect» de «se présenter dans un débat, aller rencontrer des citoyens, faire autre chose qu’une ou deux entrevues minutieusement sélectionnées».
Statistique Canada confirme à répétition la tendance que suit le français au Québec. Les plus récentes données du recensement indiquaient que le français poursuit encore son déclin au Québec et dans le reste du pays. Le pourcentage de Québécois parlant principalement cette langue à la maison est passé de 79 % à 77,5 % entre 2016 et 2021.
Des projections publiées en mars par l’Office québécois de la langue française révèlent également que, comme langue d’usage à la maison, le poids du français va diminuer sans cesse au cours des prochaines années, au profit de l’anglais.
Et dans le monde du travail, l’anglais s’impose aussi de plus en plus. La moitié des Québécois, et les deux tiers dans le cas de ceux qui œuvrent sur l’île de Montréal, utilisent régulièrement l’anglais ou une autre langue que le français au travail.