QUÉBEC — Pourquoi le gouvernement Legault a-t-il tant attendu avant de mettre en place les mesures destinées à endiguer la crise sanitaire?, se demande la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade.
La cheffe libérale a décliné cette question sur tous les tons, vendredi, d’abord en Chambre au premier ministre François Legault, puis en conférence de presse, à l’occasion de la fin de la session parlementaire.
Pour l’essentiel, Mme Anglade cherchait à comprendre pourquoi le gouvernement a patienté jusqu’au 27 février avant de commander du matériel de protection, dont des masques, sachant depuis le 12 janvier qu’une pandémie couvait. De plus, elle s’est interrogée à savoir pourquoi le gouvernement avait attendu le 9 mars avant de créer une cellule de crise.
Mme Anglade croit aussi que la ministre de la Santé, Danielle McCann, devrait expliquer pourquoi le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, s’est absenté du Québec pour des vacances au Maroc, à cette période charnière de la crise sanitaire.
«Ultimement, il y a une personne qui est imputable, c’est Mme McCann quand même, dans cette décision-là de laisser partir M. Arruda», a commenté la cheffe libérale, qui aimerait bien qu’on lui explique aussi quel est le processus décisionnel en vigueur au ministère de la Santé en temps de crise.
Les trois partis d’opposition ont profité de la fin de la présente session parlementaire pour porter un jugement sévère sur la gestion gouvernementale de la crise sanitaire, qui s’est soldée au Québec, à ce jour, par 5148 décès, soit plus que toutes les autres provinces canadiennes réunies.
Quant à lui, le gouvernement n’a pas fait de bilan de la session parlementaire. La prochaine session débutera le 15 septembre.
En Chambre, le premier ministre Legault a qualifié le sombre portrait tracé par Mme Anglade de «totalement injuste» envers son gouvernement, qui a sauvé «des milliers de vie» grâce à son action.
Il a aussi nié l’affirmation voulant que le Québec ait «manqué de matériel» de protection.
En fait, à un certain moment de la crise, le Québec était à quelques jours seulement d’une pénurie. Et on a connu un problème de distribution: certains établissements se sont plaints de manquer de masques et autres équipements de protection dont ils avaient un besoin urgent.
Quant au rôle joué par le Dr Arruda dans la préparation du Québec à cette crise, «je pense que la Santé publique, puis le Dr Arruda, ont fait ce qu’ils avaient à faire», a estimé le premier ministre.
«Ça a mal été»
Cet avis n’est cependant pas partagé par l’opposition.
Depuis le début de la crise sanitaire, le premier ministre François Legault affectionne le slogan: «ça va bien aller», mais la suite des choses démontre plutôt que «ça a mal été», selon Québec solidaire.
La porte-parole du parti qui forme la deuxième opposition, la députée Manon Massé, s’est interrogée elle aussi sur le manque de préparation du gouvernement, qui a attendu d’être confronté à la crise pour réagir, selon elle.
Le drame survenu au CHSLD Herron, où des résidants étaient laissés à eux-mêmes dans un état pitoyable, a marqué un point tournant, selon Québec solidaire, faisant la preuve que le gouvernement avait «perdu le contrôle» de la situation dans les CHSLD, étant incapable notamment d’éviter le transfert de personnel d’un établissement à l’autre, ce qui a accéléré la propagation du virus.
«Combien de vies on aurait sauvées?» grâce à une meilleure anticipation des problèmes et une meilleure préparation, s’est demandé l’autre porte-parole solidaire, le député de Gouin, Gabriel Nadeau-Dubois.
Québec solidaire est désormais «en mission», a-t-il dit, pour maintenir le filet de protection sociale du Québec au lendemain de la pandémie.
«Pas question de revenir au Québec d’avant, celui qui était trop faible pour faire face à une crise», a prévenu M. Nadeau-Dubois.
Mme Massé s’est demandé dans quelle mesure le gouvernement sera prêt à affronter une éventuelle deuxième vague de propagation du virus de la COVID-19.
Selon M. Nadeau-Dubois, en octobre 2022, lors du prochain scrutin général, les électeurs vont, avant tout autre enjeu, vouloir juger le gouvernement Legault sur sa façon de gérer la crise sanitaire.
Cafouillages
De son côté, l’opposition péquiste a critiqué durement le processus de déconfinement du Québec, marqué par une série de «cafouillages, de contradictions et de décisions discutables».
Troisième opposition à l’Assemblée nationale, l’équipe du Parti québécois (PQ) partage l’avis de QS selon lequel la situation à la résidence Herron a marqué un point tournant dans la gestion de la crise et exposé toute «la vulnérabilité des CHSLD», visiblement «très mal préparés» à affronter le virus.
À partir de là, pour le gouvernement, «la dégringolade s’est accélérée», selon la députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon.