Brian Mulroney évoque les leçons de la lutte contre les pluies acides

Le 30e anniversaire de l’un des traités environnementaux les plus réussis jamais conclus offre des leçons pour la lutte actuelle contre les changements climatiques, selon l’homme qui a négocié l’accord.

«(La lutte) commence chez nous», a déclaré l’ancien premier ministre Brian Mulroney, qui a signé l’Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l’air avec le président américain George Bush le 13 mars 1991.

M. Mulroney a précisé que le Canada s’est assuré que son propre environnement était propre avant de chercher à prendre le leadership sur la scène internationale.

Les pluies acides sont maintenant bien basses dans la liste des défis environnementaux du Canada. Mais lorsque M. Mulroney est entré en fonctions pour la première fois en 1984, les pluies acides empoisonnaient des dizaines de milliers de lacs dans l’est et le centre du Canada, ainsi qu’aux États-Unis.

Le soufre et l’oxyde d’azote des cheminées industrielles et des voitures se combinaient avec l’humidité atmosphérique pour former des pluies acides, qui vidaient progressivement les lacs de toute vie en tuant de minuscules plantes et animaux au bas de la chaîne alimentaire.

Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne depuis son domicile de la Floride, M. Mulroney a décrit comment — avant même d’entrer en fonctions — il avait averti le président de l’époque, Ronald Reagan, que le Canada était sérieux dans son objectif de résoudre le problème.

«J’ai dit: ‘Je veux que vous sachiez que si je gagne les élections, je serai sur cette question comme un chien sur un os.’ Quelques jours après avoir prêté serment, je suis descendu pour déjeuner avec lui et je l’ai soulevé à nouveau, je l’ai mis à l’ordre du jour.»

M. Mulroney a maintenu la pression même après que M. Reagan eut été remplacé par M. Bush, qui a déclaré que le premier ministre progressiste-conservateur lui avait largement parlé du sujet après une réunion à Ottawa.

Cette persistance — et les relations qui l’ont rendue possible — forme une grande partie de ce qui permet de conclure des accords internationaux, a indiqué M. Mulroney.

«Cela a nécessité de convaincre le président des États-Unis, les principaux démocrates (de l’opposition) — y compris les présidents des comités au Sénat et à la Chambre —, les groupes d’intérêt et les médias à Washington — parce qu’ils avaient tous leur mot à dire.»

«Cela doit être fait par le premier ministre du Canada. Vous ne pouvez rien déléguer de tout cela.»

Mais, d’abord, le Canada a dû mettre de l’ordre dans sa propre maison.

«Nous avons développé une politique des ‘mains propres’. J’ai reconnu que nous étions responsables d’une partie des pluies acides, et nous allions les nettoyer, puis nous allions demander aux Américains de faire de même.»

M. Mulroney a travaillé avec le premier ministre libéral de l’Ontario de l’époque, David Peterson, et sa propre conseillère principale en politiques, Elizabeth May, qui, des années plus tard, deviendrait cheffe du Parti vert fédéral. Il a convaincu les sept provinces les plus à l’est du Canada, où le problème était le plus grave, d’accepter de réduire de moitié les émissions causant les pluies acides.

«Si nous avions fait le tour du monde pour prêcher sur l’environnement, quelqu’un (aurait) dit: ‘Eh bien, vous savez, M. Mulroney, c’est très intéressant, mais qu’est-ce que vous avez fait pour les pluies acides chez vous?’»

À l’époque, comme aujourd’hui, le premier ministre a fait face à des inquiétudes sur les effets que l’action environnementale aurait sur l’économie.

«Je savais que certains des conseillers principaux (de M. Bush) suggéraient d’éviter toute action contre les pluies acides. Ils disaient que cela nuirait à la productivité américaine et à la croissance de la richesse. Mais cela ne l’a pas dérangé.»

Les dirigeants, a-t-il dit, doivent voir le long terme.

«Comme (l’ancien président américain) Bill Clinton l’a dit un jour, « le leadership est la capacité de regarder un peu partout ». En regardant vers l’avenir, à l’époque où j’étais là — il y a longtemps maintenant — sans la solution aux pluies acides, vous auriez vu un désastre environnemental pour le Canada et les États-Unis.»

«Si vous regardez ce qui s’en vient maintenant, et que vous n’agissez pas dans le domaine des changements climatiques, devinez ce qui va vous arriver dans 25 ans?»