OTTAWA — Le premier ministre fédéral, Justin Trudeau, soutient que la question n’est pas de savoir si le chemin Roxham doit être fermé, mais de déterminer comment.
«De fermer le chemin Roxham, c’est ce que nous voulons tous, mais il n’y a pas de solution simpliste», a-t-il dit mercredi au cours d’un point de presse dans le Grand Toronto.
Il a ajouté que la voie à suivre est celle déjà entreprise, soit la renégociation, avec les États-Unis, de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS).
«Ce dont on a besoin, c’est de renégocier (l’accord) pour s’assurer qu’on ferme au complet toute possibilité de traverser irrégulièrement. (…) Ça fait bien des mois, des années, qu’on parle de ça et on est en train de faire du progrès», a-t-il assuré.
Or, l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David L. Cohen, a affirmé à l’émission «Power and Politics» du réseau CBC qu’une telle renégociation ne ferait que «très peu» pour régler les enjeux de migrations irrégulières.
Il a indiqué, au cours de cette entrevue, qu’Ottawa et Washington ont des discussions sur les questions migratoires, en général, mais n’a pas voulu préciser si des conversations sur l’ETPS, en particulier, avaient cours.
«Vous n’avez jamais vu ou entendu personne aux États-Unis confirmer qu’il y a des discussions spécifiques sur l’Entente sur les tiers pays sûrs qui surviennent. Et je ne serai pas le premier représentant américain à faire cette déclaration», a-t-il dit.
Il a qualifié le chemin Roxham d’un «symptôme» et qu’il serait une «erreur» de penser que de le résoudre réglerait «le problème» des migrations irrégulières. «Il faut s’attaquer aux causes sous-jacentes», a-t-il poursuivi.
De son côté, M. Trudeau a réitéré que de s’en tenir à «mettre des barricades» au chemin Roxham équivaudrait à «emmener des gens à traverser ailleurs», tout au long de la frontière canado-américaine.
L’ETPS fait en sorte qu’un réfugié potentiel se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d’abord foulé le sol américain est refoulé puisqu’il doit poursuivre sa demande d’asile dans le premier «lieu sûr» où il est arrivé.
Ainsi, des personnes souhaitant tout de même demander l’asile au Canada traversent la frontière canado-américaine par des passages de fortune, et ce, dans de très nombreux cas par le chemin Roxham, situé en Montérégie. Une fois qu’ils sont au Canada et ont été interceptés par les autorités canadiennes après qu’ils eurent officiellement mis les pieds au Canada, leur demande d’asile peut être traitée.
En 2022, un nombre record de 39 171 personnes ont ainsi traversé irrégulièrement la frontière, selon le nombre d’interceptions rapportées par la Gendarmerie royale du Canada.
François Legault martèle depuis des mois que le Québec n’arrive plus à juguler cet afflux et demande la fermeture du chemin Roxham. Dimanche, il a écrit à M. Trudeau pour réclamer que la totalité des personnes traversant ce passage de fortune soit redirigée vers d’autres provinces.
Mardi, le chef conservateur Pierre Poilievre a ajouté sa voix à celle de M. Legault, demandant aussi la fermeture du chemin Roxham. Il a greffé à sa requête un échéancier de 30 jours. Il a affirmé que, selon lui, il n’est «pas nécessaire» de revoir l’ETPS ni même de la suspendre pour «fermer» le chemin Roxham.
«On est un pays. On essaie de trop compliquer des choses. Un pays a des frontières. Le premier ministre est responsable des frontières. C’est une responsabilité exclusivement fédérale. Il n’y a pas un autre pays (ni) organisme international qui contrôle nos frontières», a-t-il soutenu.
M. Trudeau n’a pas la même vision des choses. Mercredi, il a déclaré que tant que la renégociation avec les Américains ne sera pas conclue, le Canada devra respecter ses obligations.
«D’ici là, il faut que l’on continue à être fidèles à nos valeurs et aux ententes internationales d’être accueillants pour les migrants», a-t-il dit.
Il a réitéré que le Québec avait été «généreux» dans l’accueil des migrants. Il a souligné qu’Ottawa avait fourni du soutien à la province et a promis, du même souffle, que plus serait fait à ce chapitre.
De leur côté, bloquistes et néo-démocrates demandent la suspension de l’ETPS.