Les médecins ne veulent pas des nouveaux directeurs médicaux nommés par Québec

Omnipraticiens ou spécialistes, les médecins ne veulent pas des futurs directeurs médicaux qui seraient nommés par Québec dans la réforme proposée par le ministre de la Santé, Christian Dubé. Les médecins se disent inquiets de voir naître une gestion coercitive et autoritaire dans les établissements de soins.

Tour à tour, les représentants du Collège des médecins du Québec (CMQ), de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ont évoqué leurs inquiétudes face à l’arrivée de directeurs médicaux nommés par la future agence Santé Québec.

Selon eux, ces administrateurs seraient le symptôme d’une volonté centralisatrice puisqu’ils se feraient les porte-voix de l’agence. Actuellement, c’est le principe de cogestion qui anime la direction des établissements de soins où les administrateurs prennent des décisions en collaboration avec le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP). Ces conseils sont formés de professionnels élus par leurs pairs.

«Tous les médecins sont très inquiets de cette concentration des pouvoirs du directeur médical», a déclaré le président de la FMOQ, le Dr Marc-André Amyot. Il s’est aussi dit préoccupé par la perte de voix indépendantes et fortes comme celles des CMDP et des chefs de département de médecine générale actuels.

«Les administrateurs ont besoin d’un contrepoids clinique», a insisté le président de la FMSQ, le Dr Vincent Oliva, qui redoute une trop grande concentration de pouvoir entre les mains de la future société d’État Santé Québec.

Plus tôt dans la journée, le président du Collège des médecins, le Dr Mauril Gaudreault, avait lui aussi plaidé en faveur du maintien du principe de cogestion entre médecins et administrateurs dans le réseau. Le ministre a soutenu que la cogestion doit s’inscrire dans la culture du réseau et pas nécessairement faire l’objet d’un projet de loi.

Or, plusieurs intervenants ont souligné que si la cogestion est si essentielle aux yeux du ministre, cela ne transparaît pas dans l’esprit du PL-15.

Dans la même veine, le CMQ croit que pour assurer l’efficacité des médecins promus dans des rôles décisionnels, ceux-ci doivent être bien formés, bien entourés et surtout disposer des ressources dont ils ont besoin.

Menace de désertion

Autant à la FMOQ qu’à la FMSQ, on a laissé entendre en commission parlementaire qu’une réforme ayant pour résultat d’imposer un environnement coercitif aux médecins pourrait mener à de nombreux départs à la retraite ou au privé.

Chez les omnipraticiens, on craint de voir des médecins en fin de carrière être forcés de retourner dans les hôpitaux. Ceux-ci prolongent leur pratique en continuant de voir des patients en clinique et pourraient bien décider de rentrer chez eux.

«C’est la population qui va être pénalisée dans tout ça», a prévenu le Dr Amyot.

Chez les spécialistes, le Dr Vincent Oliva a plutôt laissé entendre que l’approche coercitive était inefficace avec les médecins et qu’il fallait agir autrement. Il a souligné que les spécialistes doivent régulièrement «secouer la machine» dans leur établissement pour que leur patient ait accès aux meilleurs équipements, aux meilleurs médicaments ou aux meilleurs soins à domicile.

Selon lui, la version actuelle du PL-15 «condamne à des sanctions» ces médecins qui oseraient tenir tête à la direction. Il croit que plusieurs spécialistes pourraient opter pour le privé.

Dubé à l’écoute

Avant la reprise des consultations particulières sur la réforme du réseau de la santé, mardi, le ministre avait bien l’intention d’être à l’écoute des ordres professionnels, des fédérations de médecins et des syndicats qui vont défiler devant les élus cette semaine.

En mêlée de presse, tout juste avant le début des auditions, M. Dubé a dit vouloir parler de «subsidiarité», un principe selon lequel les échelons supérieurs ne doivent conserver que les tâches qui ne peuvent pas être effectuées par les échelons inférieurs. Encore une fois, il a voulu marteler que son objectif est de décentraliser le réseau alors que les oppositions perçoivent le contraire.

Le projet de loi 15, intitulé «Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace», prévoit notamment la création de l’agence Santé Québec, une société d’État chargée de superviser les opérations du réseau. Le ministère conserverait alors son rôle de dicter les orientations et de déterminer les budgets.

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