CHSLD: continuer d’informatiser les données, plaident des acteurs de santé publique

Le Québec doit continuer à informatiser ses systèmes de données en vue de surveiller l’évolution d’une prochaine crise sanitaire ou d’autres éclosions. 

C’est l’une des pistes de solutions énoncées, mardi matin, lors du volet recommandations de l’enquête publique du coroner sur les décès survenus en CHSLD lors de la première vague de la COVID-19. 

Les directions régionales de santé publique (DRSP) et la PDG de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont appelé à consolider et à poursuivre le développement de systèmes informatiques «robustes» et «performants». 

«Il y a des améliorations qui ont été apportées à la lumière de ce qui s’est passé durant la première vague. Il ne faut surtout pas s’asseoir là-dessus. Il faut que ça devienne agile et qu’on soit capable de travailler avec ça, pas nécessairement pour une prochaine pandémie, mais pour toute éclosion qui pourrait survenir sur le territoire du Québec», a fait valoir le Dr Jean-Pierre Trépanier, directeur de santé publique de Laval.

Celui-ci a présenté des recommandations au nom de six DRSP ayant sur leur territoire des CHSLD visés par l’enquête publique. 

Durant la première vague, l’utilisation de télécopieurs (aussi appelés «fax») ou de dossiers papier rendait difficile pour le gouvernement de savoir ce qui se passait en temps réel dans les CHSLD, notamment en termes de décès et de cas. 

La PDG de l’INSPQ, Nicole Damestoy, a indiqué que le réseau de la santé et son organisation ont dû composer avec des systèmes «désuets» qui ont créé «un lot de difficultés» au début de la crise sanitaire. 

«On a fait des pas de géant au cours des 20 derniers mois. (…) Entretenons ces avancées-là pour ne pas retourner au papier», a-t-elle souligné devant la coroner Me Géhane Kamel.

Le Dr Trépanier a mentionné qu’il fallait un système permanent qui permet d’avoir rapidement accès aux données au fur et à mesure, peu importe la menace, pour ensuite intervenir sur le terrain.  

Le PDG du CIUSSS de la Mauricie-Centre-du-Québec, Carol Fillion, a mentionné que plusieurs secteurs d’activité des services sociaux et de la santé, comme l’approvisionnement, sont «pauvres» en systèmes informatiques. 

«Il y a encore énormément de données qui sont comptabilisées de façon manuelle», a-t-il mentionné, parlant au nom de six CISSS et CIUSSS concernés par l’enquête du coroner. 

M. Fillion a souhaité un système permettant de faire une corrélation entre les données des établissements et ceux de la Santé publique. 

Former en prévention et contrôle des infections

Bâtir une «culture» de prévention et de contrôle des infections (PCI) en CHSLD a aussi été au cœur des propositions des intervenants. Ils ont réclamé un renforcement de la formation, notamment du côté des agences privées de placement et des proches aidants.  

«Ça prend une formation de base et le personnel qui est appelé à travailler dans un milieu donné doit être au courant de ces choses-là sur base continue. Il ne doit pas l’apprendre quand une situation se présente», a affirmé le Dr Trépanier. 

Les CISSS et CIUSSS ont suggéré d’intégrer la connaissance et la maîtrise de connaissances en PCI dans les programmes d’enseignement. 

Concernant les proches aidants, Me Khamel a demandé s’il était réalisable de désigner au moment de l’admission une seule personne par famille qui serait formée en PCI et autorisée à entrer en CHSLD en cas de pandémie.

M. Fillion a répondu que c’est «tout à fait possible», expliquant que ce type de démarche existe déjà pour les situations d’inaptitude. 

Les CISSS et CIUSSS veulent également concevoir les CHSLD de façon à prévenir les infections. De plus, ils proposent d’adopter un plan pour «corriger» les chambres doubles et le partage de matériel sanitaire, qui sont des vecteurs importants de transmission de la COVID-19.

Pas «des actions proactives»

À la suite du témoignage de M. Fillion, Me Kamel lui a demandé son interprétation d’une lettre gouvernementale du 28 janvier 2020 transmise aux PDG des CISSS et des CIUSSS. 

Cette correspondance demandait aux coordonnateurs de sécurité civile des établissements d’«activer (leur) cellule de sécurité civile en mobilisant les parties prenantes des secteurs concernés».

Cette lettre a été brandie la semaine dernière par l’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, après que la Protectrice du citoyen eut accusé le gouvernement Legault d’avoir ignoré les CHSLD en début de pandémie.

«Est-ce que vous avez l’impression quand vous recevez cette correspondance qu’on vous signale clairement: mettez vos CHSLD en alerte?», a questionné Me Khamel. 

M. Filion a déclaré ne pas y voir «des actions proactives en lien avec la situation dans ce que j’ai lu». 

Les travaux de la coroner se poursuivront mercredi avec le retour de la sous-ministre adjointe, Direction générale des aînés et des proches aidants au ministère de la Santé, Natalie Rosebush. Son témoignage doit représenter la dernière séance de l’enquête en 2021. 

Les audiences reprendront ensuite le 10 janvier prochain.   

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.