Cinq CHSLD privés «sous surveillance» après des inspections de la santé publique

QUÉBEC — L’ensemble des 2600 résidences pour aînés du Québec seront inspectées, a annoncé le premier ministre François Legault, alors que certaines sont dépassées par la pandémie.

Déjà, le gouvernement a effectué des vérifications auprès des 40 établissements privés non conventionnés de la province au cours du week-end.

Lors de sa mise à jour quotidienne de lundi, M. Legault a rapporté que «la grande majorité sont très bien gérées». «Il y en a quelques-unes, cinq qu’on garde sous surveillance», a-t-il toutefois reconnu, aux côtés de la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais.

Le premier ministre a montré du doigt les pénuries de personnel qui perdurent depuis longtemps avant la crise sanitaire. Le problème se situe, selon lui, au niveau des salaires trop bas pour attirer de la main-d’oeuvre.

Comme un «effet domino», le manque d’effectifs entraîne à son tour une surcharge de travail pour les autres employés, a-t-il exposé. Ajouter à cela la peur d’être infecté, et le métier de préposé devient «encore moins attrayant». 

«C’est très difficile d’aller attirer tout le personnel (dont) on a besoin. (…) C’est le grand défi qu’on a, et ce n’est pas un défi qui est nouveau», a-t-il tenu à souligner.

«Ce qui est encourageant, c’est qu’il y a beaucoup de métiers, je pense aux magasins de détail, au tourisme et à la restauration, des gens qui peut-être pourraient se réorienter pour devenir préposés aux bénéficiaires», a-t-il lancé.

M. Legault a semblé mettre de la pression sur les syndicats, lundi, pour qu’ils acceptent que les préposés soient les seuls travailleurs de la santé à recevoir une augmentation salariale significative dans le cadre des négociations pour le renouvellement des conventions collectives.

Il a noté que la situation était urgente, puisque 1100 médecins et infirmières ont été redéployées dans les résidences pour personnes âgées, mais que malgré tout, certaines résidences manquaient toujours d’employés. 

Dans l’immédiat, les inspections doivent être élargies aux quelque 2600 résidences dans la province. De ce nombre, une trentaine comptent plus de 15 % de résidents ayant contracté le nouveau coronavirus.

M. Legault affirme qu’il s’agit désormais de la «grande priorité» de son gouvernement. Il a fait état, lundi, de 32 décès supplémentaires liés à la COVID-19, sans dire s’il s’agissait de personnes âgées, ce qui porte le nombre total de décès à 360.

Alors que l’on dénombre à présent 13 557 cas confirmés de coronavirus, M. Legault a refusé de dévoiler les données qu’il détient relativement à la situation dans chacun des 2600 établissements pour personnes âgées. 

Pour rassurer les proches de résidents, une personne par établissement doit être désignée pour faire le lien avec les familles, a-t-il annoncé.

Une enquête policière a récemment été déclenchée par rapport à la situation au CHSLD privé Herron, à Dorval, où pas moins de 31 décès ont été enregistrés sur un total de 150 résidents depuis le 13 mars.

Selon M. Legault, le CHSLD Herron n’a «pas d’excuses», considérant qu’il facture à ses résidents entre 3000 $ et 10 000 $ par mois.

«Il me semble que le CHSLD aurait dû être capable de payer des bons salaires pour garder son monde, a-t-il tonné. Il y a beaucoup de cas de COVID-19 qui se sont répandus rapidement, les employés ont commencé à se sauver, à quitter, mais la première chose qu’aurait dû faire la directrice, c’est dire la vérité.» 

Retour des proches aidants?

Sa ministre des Aînés s’est fait demander si elle avait passé une fin de semaine «horrible». La voix chevrotante, Marguerite Blais a répondu qu’elle ne pouvait rester de glace face à la situation dans les résidences pour aînés, et qu’elle avait bien sûr «des émotions».

Elle a défendu la décision de son gouvernement d’avoir d’abord concentré les efforts à libérer 8000 lits dans les hôpitaux pour faire face à la crise, en disant que c’est ce que les urgentologues recommandaient.

Interrogée à savoir si elle prenait une part de responsabilité dans la situation désastreuse au CHSLD Herron, elle a répondu être capable, à son âge, de prendre la critique.

«Si je fais de la politique, c’est pour être capable d’accepter la critique, a-t-elle déclaré. On prend soin de nos aînés et on va tout faire pour mettre en oeuvre des changements au niveau de la structure organisationnelle de nos milieux de vie.»

Par ailleurs, Mme Blais a indiqué que son gouvernement pourrait permettre aux proches aidants de retourner dans les résidences pour aînés. En interdisant toute visite, le gouvernement se rend bien compte qu’il se prive de ressources importantes, a souligné M. Legault. 

La décision de faire appel ou non aux proches aidants dans les prochaines semaines sera prise de concert avec les autorités de santé publique, ont-ils dit.