Collecte de données: Québec solidaire déplore le «cafouillage» du gouvernement

QUÉBEC — Les Québécois pourraient aller voter le 1er octobre prochain sans savoir si leurs données personnelles ont été exploitées par les partis politiques.

Au Québec, à l’heure actuelle, il est tout à fait légal pour un parti politique de connaître le nom, l’adresse, l’âge et le sexe d’un électeur, mais aussi ses préférences et les habitudes qu’il affiche sur les réseaux sociaux.

Aucune loi n’empêche un parti politique d’embaucher une firme pour faire la collecte des données personnelles des électeurs, sans leur consentement.

Cette question est au coeur de débats dans le monde entier, à la suite du scandale Cambridge-Analytica, accusée d’avoir acquis les données de 50 millions d’utilisateurs de Facebook sans leur permission.

Les données auraient servi à développer un outil informatique permettant de cibler des électeurs dans le but d’influencer la campagne présidentielle aux États-Unis et le vote sur le Brexit, en 2016. 

Les principaux partis politiques québécois disent se sentir interpellés, mais ne s’entendent pas sur les moyens à prendre pour rassurer les citoyens.

Une ministre dans l’embarras

D’ailleurs, la ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, s’est mise dans l’embarras jeudi, après qu’elle eut renoncé à présenter une motion demandant au Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de vérifier les méthodes employées par les partis politiques pour récolter des données sur les électeurs.  

Avant même qu’elle ne présente la motion, le DGEQ a carrément refusé de se pencher sur les pratiques des partis, affirmant ne pas avoir ce pouvoir, car aucune loi ne les encadre. Il a une fois de plus réclamé des changements législatifs.

Jeudi, reculant «à la lumière des commentaires du DGEQ», Mme Weil a péniblement tenté d’expliquer qu’elle essaierait de trouver un autre «véhicule» indépendant pour faire des vérifications sur les partis.

Selon elle, on ne peut croire les partis politiques sur parole. «Je me suis fait poser la question: « Est-ce que votre parti (fait affaire à un tiers pour la collecte de données) ». Bien, je peux le dire et les gens peuvent me croire, et ils devraient me croire, mais qu’est-ce que j’en sais?» a-t-elle dit.

Québec solidaire (QS) qualifie la situation de «cafouillage». Son co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, a dit douter de l’intention du gouvernement Couillard d’agir dans le dossier avant les prochaines élections.

«Moi, j’ai l’impression que le gouvernement veut noyer le poisson», a-t-il lâché en point de presse à l’Assemblée nationale. 

Il presse les élus libéraux d’appuyer la motion de QS, pour que les partis politiques rendent publiques les ententes les liant à des entreprises offrant un service de récolte de données numériques ou un service de ciblage des électeurs. 

«Est-ce que ça va régler tout le problème? Bien sûr que non. Mais c’est déjà une marque de bonne volonté et de transparence, a déclaré M. Nadeau-Dubois. Si le Parti libéral n’a rien à cacher, il n’y a aucune raison de bloquer les propositions de Québec solidaire pour plus de transparence.»

Les solidaires sont d’avis que l’élection d’un parti qui utilise les données des électeurs acquises sans leur consentement est «moins légitime».   

Du côté du Parti québécois (PQ), on souhaite que les règles en matière de renseignements personnels soient «adaptées très clairement», mais, selon la vice-chef du parti Véronique Hivon, «il n’y a aucune volonté de la part du gouvernement». 

«Cet enjeu-là, pour nous, il est très important», a-t-elle ajouté.

La Coalition avenir Québec (CAQ) a réaffirmé jeudi qu’elle était prête à ouvrir ses livres. «On a rien à cacher», a déclaré son leader parlementaire, François Bonnardel.

La veille, le chef de la CAQ, François Legault, avait appuyé l’initiative de QS, en disant souhaiter des balises avant les prochaines élections.