WASHINGTON — Si Joe Biden défait le président Donald Trump le mois prochain, il sera rapidement confronté à un nouveau défi : mettre en place une nouvelle administration pour diriger une nation profondément divisée.
Après avoir fait de la gestion de la pandémie de coronavirus une pièce maîtresse de sa campagne, Joe Biden devra démontrer que son équipe peut mieux gérer cette crise de santé publique. Il devra également faire face à ce que les démocrates décrivent comme les dommages de l’administration Trump à la machine bureaucratique de Washington, ainsi qu’au moral bas dans l’ensemble de la fonction publique.
Et il fera l’objet de pressions de la part des progressistes pour leur donner quelques victoires rapides, quant au personnel et au cabinet, afin de s’assurer de leur adhésion à ses grands combats politiques à venir.
À moins de deux semaines des élections, Joe Biden et ses collaborateurs sont plus concentrés sur le maintien de son avance dans les sondages contre Donald Trump. Mais certains démocrates commencent à se préparer aux défis qui pourraient surgir rapidement une fois la campagne terminée.
« Ce sera l’une des transitions les plus importantes, les plus difficiles et les plus coûteuses de l’histoire américaine moderne », a prévenu Chris Korge, responsable des finances au Comité national démocrate, dans une lettre récente obtenue par l’Associated Press.
« Il y a tant de travail à faire. »
Des milliers de nominations
Selon le Partnership for Public Service, une organisation à but non lucratif qui conseille les candidats à la présidentielle sur la transition, M. Biden devra effectuer plus de 4000 nominations politiques pour former son administration, dont plus de 1200 nécessitant une confirmation du Sénat. Il y a 700 nominations clés du pouvoir exécutif qui doivent passer par la confirmation du Sénat, dont 153 sont actuellement vacantes.
Chris Lu, directeur principal de la transition du président Barack Obama en 2008, souligne qu’il y a des postes vacants dans certains départements qui seront essentiels pour gérer la situation du pays dans le monde et la crise climatique.
« Il y a beaucoup d’expertise qui vient de disparaître — en particulier, quand vous regardez des endroits comme le département d’État et l’éviscération du Service extérieur ou dans des agences climatiques comme l’EPA ou l’Intérieur », a-t-il déclaré.
Gérer la pandémie d’abord
La première des priorités du candidat démocrate en tant que président serait d’agir rapidement pour faire face à la pandémie. Il se dépêcherait probablement de nommer ses choix du cabinet qui seraient essentiels à la gestion de la pandémie, selon des personnes impliquées dans la planification de la transition qui ont parlé sous couvert d’anonymat.
Parmi ces rôles essentiels, il y a les responsables des départements du Trésor et de la Santé et des Services sociaux, ainsi que le directeur du Conseil économique national.
Le sénateur du Delaware, Chris Coons, un allié et ami de longue date de Joe Biden, est considéré comme l’un des principaux candidats au poste de secrétaire d’État, et il s’est de plus en plus exprimé sur la politique étrangère ces dernières semaines. Il a écrit un essai dans le magazine Foreign Affairs et a participé à une récente table ronde sur l’avenir de la politique étrangère américaine.
Plusieurs femmes en lice
Pour ses autres choix au cabinet, on s’attend à ce que M. Biden se tourne vers certains de ses anciens adversaires et d’autres femmes qui avaient été pressenties pour être sa colistière.
La représentante californienne Karen Bass, qui avait été dans la courte liste des potentielles candidates à la vice-présidence, pourrait hériter du département du Logement et du Développement urbain.
Les noms de la sénatrice de l’Illinois, Tammy Duckworth, et de l’ancien maire de South Bend, Pete Buttigieg, sont évoqués pour diriger le département des Anciens combattants. M. Buttigieg, qui s’était présenté aux primaires démocrates contre M. Biden, pourrait aussi être nommé ambassadeur aux Nations unies, selon une personne impliquée dans la planification de la transition.
D’autres médias ont suggéré que Michèle Flournoy, une ancienne conseillère aux secrétaires de la Défense sous l’administration Obama, pourrait se retrouver cette fois-ci à la tête du département. L’ancienne gouverneure du Michigan, Jennifer Granholm, pourrait atterrir au département de l’Énergie.
La sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, quant à elle, pourrait être candidate au poste de secrétaire du Trésor. Elle pourrait toutefois se heurter à de la résistance lors de sa confirmation, selon la composition du Sénat, puisqu’elle pourrait être perçue comme trop progressiste.
L’équipe Biden examine les départements dans l’objectif d’écrire l’histoire: il n’y a jamais eu de femme ou de secrétaire de la Défense noir, ni de secrétaire de l’Intérieur noir ou de femme aux Anciens combattants.
M. Biden pourrait faire face à son premier vrai défi lorsqu’il sera le temps de choisir des employés à la Maison-Blanche.
Son équipe devrait sélectionner un chef de cabinet et un directeur du Conseil économique national dans les jours suivant l’élection. Les noms des anciens chefs de cabinet Steve Richetti, Bruce Reed et Ron Klain circulent, et Jeff Zeints et Brian Deese, tous deux hauts fonctionnaires du Conseil économique national sous Barack Obama, pourraient être de retour.
Des choix cruciaux
Jeff Hauser, directeur du Revolving Door Project, un groupe qui milite auprès des administrations démocrates pour qu’elles nomment des candidats progressistes, affirme que ces choix auront des implications potentiellement cruciales pour le succès des 100 premiers jours au pouvoir de Joe Biden.
« La lune de miel potentielle entre l’administration Biden et les progressistes sera très courte, s’il prend des décisions percutantes qui laissent présager quatre ans de modération face à des enjeux considérés comme graves, une crise grave », a-t-il soutenu.
Si Joe Biden gagne, on ne sait pas dans quelle mesure les responsables de l’administration Trump travailleraient avec la nouvelle équipe. Alan Kessler, un éminent collecteur de fonds démocrate, s’inquiète de la possibilité que Donald Trump puisse demander à ses hauts responsables de résister au partage de détails clés de la transition.
« Quand le président dit: « Je ne m’en vais pas tranquillement, et si je perds, c’est parce que c’était truqué et qu’il y a de la fraude », c’est un problème », a-t-il souligné.
« Est-ce que cela veut dire que la campagne Biden ne pourra pas mener la transition ? Non. Mais ce sera beaucoup plus difficile si l’administration actuelle ne coopère pas. »