Complotisme et COVID-19: des chercheurs se penchent sur les causes de refus du vaccin

MONTRÉAL — Alors que la vaccination contre la COVID-19 des plus jeunes n’est pas encore commencée au Québec, de récents résultats d’une étude présentée à l’ACFAS vendredi laissent croire qu’une portion d’entre eux pourraient être plus réticents au vaccin.

Vendredi matin, une brochette de chercheurs s’est rassemblée dans le cadre de la grande conférence annuelle de l’ACFAS pour discuter notamment des causes de l’hésitation au vaccin et de son refus.

Parmi eux se trouvait Olivier Champagne-Poirier, professeur au département de communication de l’Université de Sherbrooke, qui a étudié avec sa collègue Marie-Ève Carignan le lien entre «une vision du monde complotiste» et l’adhésion aux mesures socio-sanitaires et au désir de recevoir le vaccin contre le coronavirus.

En isolant les données spécifiques au Canada contenues dans un grand sondage international, ils ont déterminé que 23,5 % des Canadiens montraient une tendance au complotisme. 

Ce n’est pas marginal, juge M. Champagne-Poirier.

Pour le chercheur, ce lien est important à examiner car la littérature démontre que l’adhésion à une vision complotiste est liée, dans un contexte de crise sanitaire, à une baisse des intentions de vaccination et à une moins grande confiance envers les autorités.

Et les moins de 55 ans sont plus nombreux à avoir obtenu un score plus élevé sur l’échelle des tendances complotistes que les plus âgés, selon les résultats présentés par les chercheurs.

Les réponses de 2000 participants canadiens, récoltées en novembre 2020, ont été analysées.

Les répondants devaient dire s’ils étaient en désaccord ou en accord avec des énoncés tels que «j’estime que le virus a été fabriqué intentionnellement dans un laboratoire», «j’estime qu’il existe un lien entre la technologie 5G et le coronavirus», et «j’estime que mon gouvernement cache des informations importantes entourant le coronavirus». Les réponses étaient ensuite placées sur une «échelle de tendance au complotisme». D’exprimer son accord avec un seul de ces énoncés, par exemple, ne donnait pas un score élevé sur l’échelle, précise M. Champagne-Poirier: il fallait plutôt une accumulation. Cette méthode «mesure une tendance»: elle ne permet évidemment pas de dire «cette personne est un complotiste, mais pas celle-ci», avertit le professeur.

Les chercheurs ont ensuite voulu identifier les groupes chez lesquels cette tendance est plus présente.

Ils n’ont pas trouvé de grande différence entre les hommes et les femmes, ni selon le pays de naissance des répondants, par exemple. Et si ceux ayant obtenu plus de diplômes d’études se plaçaient plus bas sur l’échelle des tendances que ceux en possédant moins, il constate que cette relation entre les deux demeurait «faible». 

Mais un facteur se démarquait: l’âge.

Les moins de 55 ans étaient plus nombreux à obtenir un score élevé sur l’échelle des tendances complotistes.

Et plus les répondants étaient jeunes, plus ils étaient nombreux à avoir un score plus élevé, bien que les différences entre les groupes d’âge étaient «très légères», précise M. Champagne-Poirier.

Selon son analyse, 32 % des individus démontrant une tendance au complotisme ne désiraient pas recevoir le vaccin, alors que les autres n’étaient que 9 % à vouloir le refuser.

«On a intérêt à avoir une meilleure compréhension de cette tendance-là pour poser la bonne réponse socio-sanitaire», conclut le chercheur.

Cette étude a été financée par l’initiative de recherche de l’INRS (Institut national de recherche scientifique) pour mieux comprendre les impacts psycho-sociaux de la pandémie. 

Autres constats

D’autres aspects de l’hésitation vaccinale ont été abordés par les chercheurs.

Par exemple, une étude a mis en lumière le fait que les gens aux prises avec des problèmes d’anxiété ou de dépression sont plus susceptibles d’hésiter ou de refuser de se faire vacciner contre la COVID-19.

Cette étude ciblée a été menée par Mélissa Généreux, professeure au département de santé communautaire de l’Université de Sherbrooke.

Il a aussi été rapporté dans une autre présentation que pour assurer le taux d’adoption le plus élevé possible, le vaccin doit, entre autres facteurs, être efficace à un taux minimum de 85 %, avoir une durée d’efficacité minimum de neuf mois, et provenir d’un pays occidental ou du Japon.

Selon cette dernière étude présentée par le professeur Thomas Poder de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui a examiné les préférences des Québécois pour la vaccination contre la COVID-19, les Québécois sondés étaient plus réfractaires à un vaccin fabriqué en Russie ou en Chine et étaient plus susceptibles d’hésiter à recevoir l’aiguille dans le bras si le vaccin proposé avait une efficacité de moins de 85 %.