Convention avec mentions «entière discrétion de l’employeur»: le Tribunal intervient

MONTRÉAL — Le Tribunal administratif du travail vient d’intervenir devant un employeur qui avait déposé son propre projet de convention collective, la faisant passer de 82 à 30 pages, y ajoutant plusieurs fois la mention «à l’entière discrétion de l’employeur» et demandant même que le syndicat obtienne son autorisation pour rencontrer des travailleurs en dehors des heures de travail.

Au départ, le tribunal se retrouvait devant deux plaintes croisées, celle du Syndicat national des employés de garage et de l’employeur, Brandt Tractor, les deux s’accusant de négociation de mauvaise foi, les deux demandant au tribunal d’ordonner la reprise des négociations.

Finalement, le tribunal donne raison au syndicat et juge que la plainte de l’employeur n’avait «aucun fondement».

Au contraire, le syndicat a suivi les règles et a amorcé correctement le processus de négociation pour le renouvellement de la convention collective. C’est même lui qui a demandé la conciliation au ministère du Travail.

L’employeur n’avait pas répondu aux demandes du syndicat et avait préféré déposer «une note de neuf pages et un projet de convention visant à élaguer la convention collective de nombreuses dispositions, tout en réduisant le texte de 82 à 30 pages», relate le Tribunal.

Le Tribunal juge que c’est l’employeur qui a déposé une proposition contenant «des clauses déraisonnables et contraires à la nature même d’une négociation collective, en contravention à son obligation de négocier de bonne foi».

Entre autres, le projet de convention déposé par l’employeur contenait des clauses disant que «les représentants du syndicat doivent obtenir l’approbation préalable du directeur de succursale pour rencontrer la direction ou les salariés en dehors de leurs heures de travail».

L’employeur voulait se doter d’une très large marge de manoeuvre dans la détermination des conditions de travail, relate le Tribunal.

«Outre l’obligation faite aux salariés de respecter les politiques et directives de l’employeur qu’il a le droit exclusif d’établir et de modifier, cette entière discrétion vaudrait, notamment quant à la protection de leurs droits collectifs et ceux de leur syndicat, aux conditions pour rencontrer le directeur de l’établissement, pour l’acquisition du droit d’ancienneté, les mouvements de main-d’œuvre, les classifications d’emploi et les déplacements, les exigences pour accéder à un poste devenu vacant ou maintenir son emploi en cas de mise à pied et de rappel au travail, aux modifications pouvant être apportées au régime d’assurance collective, à des équipements de sécurité et aux politiques et procédures liées au programme de santé et sécurité au travail, au choix du congé annuel», rapporte le Tribunal.

Même la rémunération était touchée. «La rémunération pourrait comprendre une prime calculée sur la marge brute sur les pièces dont le taux pourrait être modifié à l’occasion, à la discrétion de l’employeur. Il en est de même du remboursement des dépenses engagées dans le cadre du travail prévues à une politique qui peut être modifiée à l’occasion à l’entière discrétion de l’employeur», relate le Tribunal.

Le juge administratif Raymond Gagnon a accueilli la demande du syndicat, ordonné à Brandt de déposer une proposition expurgée de toute mention du genre «à l’entière discrétion de l’employeur» ou «l’employeur a le droit exclusif».

Il a aussi ordonné à Brandt de reprendre les négociations en conciliation en septembre.