QUÉBEC — Nouveau coup dur, dimanche, pour les commerçants et les chefs d’entreprises du Québec: la pause forcée imposée par le gouvernement à l’économie, en mars, est prolongée jusqu’au 4 mai.
La fermeture des entreprises et des commerces qui ne figurent pas sur la liste des services essentiels, décrétée le 23 mars par le gouvernement Legault, devait durer trois semaines, soit jusqu’au 13 avril, initialement. Mais elle en durera plutôt six.
Les répercussions sur l’économie québécoise, notamment sur le secteur manufacturier et les entreprises axées sur l’exportation de leurs produits, encore difficiles à évaluer, ne seront certainement pas négligeables dans les mois à venir.
Bien que comprenant la gravité de la stuation et la nécessité du geste, le monde des affaires trouvait déjà amère et difficile à avaler la pilule de trois semaines d’inactivité forcée, plaçant les entreprises en position financière dans bien des cas très précaire, au point de devoir mettre à pied leurs employés.
En procédant dimanche à cette annonce, à l’occasion de sa conférence de presse quotidienne visant à faire le point sur la lutte menée au virus de la COVID-19, le premier ministre François Legault a indiqué que son gouvernement misait sur l’après-crise, en vue de mettre en place les conditions favorables à la relance du maximum d’entreprises, une fois la tempête virale passée. Il s’est engagé à injecter l’argent «nécessaire» dans l’économie, à ce moment-là.
La bataille menée par le Québec contre le virus entre désormais dans une phase «critique», «décisive», a dit le premier ministre pour justifier la prolongation exigée, en rappelant à tous que le moment n’était certainement pas venu de relâcher la pression.
Car le sommet de la courbe de propagation, attendu au départ au début avril, ne sera atteint finalement que dans quelques semaines. Ce n’est qu’après, quand le nombre de cas se sera stablisé, que le gouvernement pourra envisager de lever graduellement les consignes et de permettre une certaine activité économique, par secteur ou par région ou sous-région, là où le risque sera réduit sur le plan de la santé publique, a expliqué M. Legault, qui dit avoir bien hâte que le «peak» soit enfin derrière nous.
Les citoyens québécois ont donc intérêt à s’armer de patience. Le retour à une vie normale n’est pas pour demain.
Bref, «tant qu’on est dans la montée de cette grande crise, c’est la santé qui compte», avant l’économie.
Une fois la bataille gagnée, il a réaffirmé qu’il faudra plus que jamais mettre tous les efforts pour assurer l’autonomie du Québec, particulièrement en ce qui touche la production d’équipements médicaux et de médicaments, de même que la production d’aliments toute l’année durant, de manière à réduire notre dépendance envers les autres pays, au premier chef les États-Unis.
L’approvisionnement en équipements médicaux de protection du personel demeure un enjeu central de la crise, le réseau de la santé anticipant une pénurie dans quelques jours à peine de masques N95, masques de procédure, de gants et blouses.
Dans cet esprit, la promotion de l’achat local, en personne ou par voie électronique, deviendra une priorité du gouvernement Legault.
«Le panier bleu»
À ce propos, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a indiqué de son côté qu’il était en train de créer une nouvelle initiative, «Le panier bleu», qui répondra à cet impératif de promotion des produits québécois.
Il s’agit d’un nouveau site internet non transactionnel où les producteurs pourront s’afficher et où les consommateurs pourront consulter la liste des produits faits au Québec disponibles sur le marché.
M. Legault s’est dit très fier du résultat d’une étude de données de Google sur le respect du confinement: parmi les 60 États et provinces de l’Amérique du Nord répertoriés, c’est le Québec qui s’est classé au premier rang.
M. Legault s’est dit convaincu que le sens de la discipline des Québécois donnait des résultats concrets et sauvait des centaines de vie.
Mais même si les Québécois observent docilement les consignes, les chiffres montrent que le virus continue plus que jamais à faire des ravages.
On comptait dimanche midi 947 nouveaux cas de contamination confirmés pour un total de 7944, un total de 525 personnes hospitalisées et 94 décès depuis le début de la crise.
Legault fait confiance à la police
L’interdiction de se rassembler fait partie des principales consignes gouvernementales imposées pour freiner la propagation du virus.
Confronté au fait que certains se moquaient de la consigne, Québec a haussé le ton. Les policiers de certains corps comme la Sûreté du Québec et le Service de police de la ville de Montréal peuvent maintenant intervenir en vue de mettre fin à tout «rassemblement» extérieur en distribuant des contraventions de 1000 $ aux délinquants sur-le-champ.
Tous les autres corps policiers du Québec seront bientôt eux aussi en mesure de remettre des contraventions pour faire respecter la consigne.
La notion de «rassemblement» n’est cependant pas définie dans la directive et aucun nombre maximal de personnes n’est fixé.
Questionné à savoir dans quelle mesure le gouvernement donnait ainsi trop de pouvoirs et de latitude aux policiers, M. Legault a affirmé que ces derniers avaient toute sa confiance et qu’il se fiait à leur jugement.
«Un rassemblement, c’est un rassemblement, a-t-il dit, et être à moins de deux mètres, c’est être à moins de deux mètres. Et moi je fais confiance aux policiers pour juger des cas qui méritent des amendes.»
Il a ajouté ne pas craindre de dérive entraînée par ces nouveaux pouvoirs confiés aux forces de l’ordre, car ces pouvoirs seront «très temporaires pendant la durée de la crise».