QUÉBEC — Tout le Québec a tenu à rendre hommage, jeudi, aux milliers de personnes mortes des suites de la COVID-19, souvent dans des conditions atroces, ainsi qu’à tous ceux qui leur ont prodigué des soins, à l’occasion d’une cérémonie commémorative tenue sur le parvis de l’Assemblée nationale.
Présidée par le premier ministre François Legault, entouré de son épouse, Isabelle Brais, de nombreux élus et dignitaires, des employés du réseau de la santé, de responsables des services d’urgence et de membres des familles endeuillées, la cérémonie au cachet très solennel a été programmée un an jour pour jour après l’annonce, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qu’une pandémie de coronavirus sévissait désormais à travers le monde.
Un an plus tard, le Québec a enregistré près de 295 000 cas de COVID-19 et 10 503 décès, soit le pire bilan de tout le Canada. Près de la moitié des disparus étaient des personnes âgées vivant dans un CHSLD.
Dans une brève allocution, le premier ministre Legault a estimé que la nation québécoise avait été «admirable» face à l’adversité.
«Aujourd’hui, le Québec se souvient de toutes ces personnes qui sont parties beaucoup trop vite», a-t-il observé.
Il a aussi rendu hommage au personnel soignant, «des héros». «Toute la nation québécoise leur doit reconnaissance», a-t-il dit.
M. Legault a été le seul à prendre la parole à cette occasion.
La cérémonie, tenue sur l’heure du midi par un temps exceptionnellement doux pour la saison, a été ponctuée de plusieurs gestes symboliques.
Le gouvernement du Québec a annoncé que le 11 mars serait la Journée de commémoration nationale des victimes de la COVID-19.
À tour de rôle, les dignitaires, tous masqués, sont sortis par la porte principale du parlement, un privilège réservé aux grandes occasions, chacun portant une rose blanche à la main, déposée par la suite devant une immense couronne de roses blanches installée au pied du grand escalier.
Le gouvernement a choisi la rose blanche comme emblème de cette tragédie, cette fleur évoquant à la fois la force et la délicatesse.
Le drapeau du Québec a été mis en berne sur les édifices gouvernementaux et au terme de la cérémonie une minute nationale de silence propice au recueillement a marqué un temps d’arrêt à 13 h.
Au même moment, on a pu entendre la cloche de la tour du parlement sonner une dizaine de fois. Ailleurs au Québec, dans toutes les régions, les cloches des églises y ont fait écho.
Deux prestations musicales préenregistrées ont été diffusées pendant la cérémonie: Le Clair de lune de Claude Debussy et Les gens de mon pays de Gilles Vigneault, interprétés par l’Orchestre symphonique de Montréal. Les 27 jeunes choristes des Petits Chanteurs de Beauport ont ensuite entonné À la claire fontaine.
Au total, sans anicroche, la cérémonie, empreinte de sobriété, aura duré moins d’une heure.
Par la suite, le premier ministre a passé quelques instants avec quelques-unes des familles présentes.
Devant les médias, une dame qui a perdu sa mère au printemps a accepté d’apporter son témoignage. Marie-Andrée Chamard n’a pas pu voir une dernière fois sa mère âgée de 93 ans, en avril, à l’hôpital Jeffery Hale de Québec. Elle souffrait d’Alzheimer avant d’attraper la COVID.
«Elle n’était pas obligée de mourir de ça», a-t-elle observé, ajoutant que sa mère avait eu cinq enfants, mais qu’un seul avait pu être à son chevet au moment du décès, en raison des mesures sanitaires.
La veille, en entrevue, une autre des personnes endeuillées avait tenu à exprimer pourquoi il était si important pour elle d’être présente à la cérémonie, pour dire un véritable au revoir à son père.
Résidante de Québec, Lucie Garneau a perdu son père, Lucien Garneau, le 24 décembre dernier. Il est décédé de la COVID-19 subitement, seul avec le personnel médical, à l’âge de 98 ans.
«On dira: « Ah, bien oui, c’est sûr, il était très vieux », mais sa santé était vraiment bonne, se souvient celle qui était sa proche aidante. Pour moi, ça a été un immense choc. (…) Ça s’est passé tellement rapidement.»
Hébergeant sa fille qui venait d’avoir un bébé, Mme Garneau n’a pas pu aller serrer son père dans ses bras dans les derniers jours avant sa mort, alors qu’il avait été déplacé à l’hôtel Le Concorde.
Elle souligne le travail d’une médecin «formidable», qui est allée bien au-delà des attentes et qui lui a permis de voir son père via FaceTime. «Il m’a dit: « Tu sais, je vais revenir comme avant, inquiète-toi pas ».»
Mme Garneau dit tout de même rester avec «un p’tit fond de quelque chose», pas de la «culpabilité», mais cette impression «qu’on n’a pas fait tout ce qu’on aurait pu faire», dit-elle, souhaitant se recueillir et dire à son père qu’elle l’aimait et qu’elle ne l’oubliera pas.
«C’est certain que pour moi, c’est très significatif d’être là. À l’intérieur de moi, ça va donner un baume à ma douleur», dit-elle, sa voix brisée par l’émotion.
Pour elle, la cérémonie de jeudi représente également un «geste de solidarité» envers toutes les victimes et le personnel soignant, qui ne «comblera pas tout» cependant, car elle ne ramènera pas les êtres chers.
«Ça va m’aider à faire mon deuil, affirme-t-elle, et m’apporter un réconfort parce que je sais qu’il va y a voir des personnes présentes qui ont vécu une situation semblable à la mienne.»