Les pédiatres du Québec en faveur d’un déconfinement progressif des enfants

« Force est de constater que les dommages collatéraux d’un confinement prolongé sont déjà trop nombreux et inquiétants », soutient l’Association des pédiatres du Québec.

MONTRÉAL — Après des semaines de confinement en raison de la COVID-19, un retour progressif à la vraie vie pour les enfants n’est pas seulement souhaitable, il est nécessaire, juge l’Association des pédiatres du Québec.

Les mesures d’isolement social étaient la bonne chose à faire pour limiter la propagation du virus et protéger la population, a commenté en entrevue la pédiatre Marie-Claude Roy, qui travaille au CHUS – Hôpital Fleurimont à Sherbrooke.

Mais pour les enfants, il est temps de passer à une autre étape, car les désavantages commencent à dépasser les avantages, a-t-elle fait valoir en entrevue. Il y en a qui souffrent réellement, dit-elle.

Alors que le premier ministre François Legault a commencé lors de ses points de presse quotidiens à mettre la table pour une réouverture graduelle des écoles québécoises, l’Association des pédiatres a pris position jeudi en faveur d’une telle décision, considérant l’évolution de la situation.

Elle rappelle que la communauté scientifique s’entend sur un point : la COVID-19 n’est pas dangereuse pour la très vaste majorité des enfants.

Au Québec, « les enfants hospitalisés, ça se compte à l’unité », a souligné la pédiatre.

Des enfants sans filet

Les médecins membres de cette association notent que depuis la fermeture des écoles et des CPE le 13 mars dernier, les enfants ont été privés de leur filet social habituel.

« Force est de constater que les dommages collatéraux d’un confinement prolongé sont déjà trop nombreux et inquiétants », écrivent-ils.

Ils tirent notamment les constats suivants: fragilisées financièrement par la crise sanitaire, beaucoup de familles peinent à nourrir leurs enfants. Au Québec, plus de 240 000 enfants bénéficiaient chaque jour des petits déjeuners offerts dans les écoles.

Les signalements à la DPJ sont en baisse, ce que les pédiatres ne trouvent pas rassurant. Car ils sont à risque : la réclusion imposée, 24 heures sur 24, avec des parents sans emploi et sans revenus, ne peut que multiplier les risques de violence domestique.

Le suivi des jeunes enfants est retardé ainsi que la vaccination, ce qui les expose à des maladies normalement sous contrôle. De plus, de nombreux enfants présentant des retards de développement (suspectés ou non par leurs parents) sont souvent dépistés en CPE ou lors d’un rendez-vous médical, ce qui ne peut avoir lieu actuellement, font-ils valoir. Il faut agir avant que cette fenêtre d’opportunité se referme, car les conséquences sont parfois irréversibles.

L’Association soulève aussi la question de la santé mentale, minée par l’absence de contacts et l’angoisse que vivent les jeunes.

Si l’on attend encore plus, jusqu’à la rentrée en septembre, les dommages collatéraux seront encore plus importants. Ce qui se tolère six semaines ne se tolère pas trois ou quatre mois, dit Dre Roy : « on ne peut pas garder nos enfants confinés jusqu’en 2021 ! ».

Sachant que le nouveau coronavirus fera partie de nos vies encore longtemps, tôt ou tard, il faudra que les enfants y soient exposés, dit l’Association.

Et s’ils retournent à l’école seulement en septembre, ils vont affronter le nouveau coronavirus en même temps que les autres virus à l’automne et la grippe saisonnière en hiver.

Face à tous ces constats, « l’option de reporter davantage la reprise de la vie scolaire se défend difficilement », écrivent les pédiatres.

Le déconfinement doit se faire de façon graduelle et prudente, a répété la Dre Roy, et sans oublier le personnel plus âgé des CPE et des écoles qui sont plus vulnérables, ainsi que les proches plus à risque de ces bambins, comme leurs grands-parents.

La Dre Roy sait que des parents sont inquiets en pensant au retour à l’école. Elle comprend leurs craintes, puisqu’ils sont bombardés d’images catastrophiques, en provenance de l’Italie, par exemple.

Mais elle tient à les rassurer : les enfants « ne seront pas des cobayes. Ils affrontent bien ce virus-là ».

De plus, les médecins et pédiatres du Québec seront là pour recevoir, soigner et rassurer les familles, assure l’Association.

L’Association ne suggère pas de date optimale pour le déconfinement, car à ce sujet, elle s’en remet à la Santé publique, souligne la Dre Roy. « On lui fait confiance. »

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Les commentaires sont fermés.

Est-ce que la question d’un recrutement massif du personnel enseignant avant réouverture, à l’instar de celui qui est fait actuellement, mais trop tard, en CHSLD a déjà été soulevée ? Plutôt que de faire entrer les élèves par demi journées ou en saupoudrage inégal, il serait pertinent de diviser d’emblée les classes par 2. Distanciation sociale et gain pour les élèves. Il me semble qu’à court comme à long terme, ce serait une bonne solution.

Les recommandations médicales de l’Association des pédiatres du Québec ont le bonheur de ne pas fixer de date.
Il est un peu étonnant que ladite association ait attendu la crise du Coronavirus pour faire une sortie, somme toute éclairée, sur les vulnérabilités encourues par certains enfants en milieu familial en l’absence de médiation et de remédiation socioscolaire. Elles existaient avant la crise et vont, hélas, se poursuivre après.
Mais, va pour l’argumentaire : il est vrai que l’école joue une rôle essentiel pour ce lot d’enfants.
Le second argument porte sur les faibles risques encourus par les enfants affectés par le virus. Je ne vais pas nier l’évidence clinique.
Toutefois, je vais la moduler.
1-Certains CRDITED connaissent une contagion accrue chez leurs clientèles tant adolescentes qu’adultes. Je présume que deux variables sont en cause : la moindre gestion autonome de ses mesures d’hygiène et les comorbidités aggravantes.
2-Or, les écoliers de maternelles 4 et 5 ans, ainsi que les écoliers du premier cycle gèrent peu ou mal leurs mesures d’hygiène et ce sont les enseignants qui « compensent ».
3-D’autre part, il y a un bon nombre d’enfants asthmatiques qui m’apparaissent plus à risque…
4-Oui, les enfants sont des vecteurs de propagation à plus faibles risques, mais ils vont l’être auprès des intervenants scolaires adultes et l’être en situation impossible de distanciation (à moins d’altérer le facteur relationnel, ce qui, dans une école, serait pour le peu contradictoire avec la mission.
5-Donc, il va falloir assurer des protections adéquates pour les enfants et les adultes. À ce stade, c’est une série d’inconnues.
6-Le ministère annonce que les parents ne seront pas obligés d’envoyer leurs enfants. Il préconise l’accueil en groupes réduits de moitié pour favoriser la distanciation. Il a déjà annoncé que le classement 2020-2021 se fera sur le trajet 2019-2020 au 13 mars. Il n’y aura pas d’évaluations ministérielles ou classifiantes au retour à l’école et le menu proposé ne sera pas plus obligatoire que la fréquentation scolaire…
7-C’est dire qu’à ce stade, le retour dans les écoles est improvisé, tant sur le plan organisationnel que sur le plan pédagogique.

Je veux revenir sur les écoliers les plus vulnérables, car je n’ai pas non plus entendu les pédiatres se prononcer à voix haute sur la piètre tenue des plans d’intervention scolaires, les déficits d’évaluations expertes, les manques de services professionnels et les lacunes abyssales dans la concertation requise depuis 2003-2004 entre le milieu de la santé et des services sociaux et le milieu scolaire pour une amélioration authentique de l’efficacité des plans de services individualisés et intersectoriels.

En conclusion sans doute trop sévère, je considère l’avis de l’Association des pédiatres du Québec (APQ)comme une opinion générale, beaucoup moins pointue, pragmatique et pertinente que celle des syndicats du personnel de l’Éducation que je les convie d’ailleurs à consulter.

La direction de la santé publique du Québec n’a certes pas fait la preuve de sa gestion exemplaire des plus grandes vulnérabilités. Elle aussi, comme l’APQ, doit écouter ce que les gens du terrain de l’Éducation ont à dire.

J’ajouterai que les études récentes de l’INSERM et de l’Institut Pasteur incitent à la plus grande prudence en l’absence actuelle de vaccin et d’un dépistage systématisé auprès de pans larges de la population, au regard des inconnues sur l’immunité acquise et sa durabilité. Le tout afin d’éviter les vagues ulérieures…