MONTRÉAL — L’idée de créer un document qui permettrait aux vaccinés de la COVID-19 de voyager librement soulève des discussions au Canada et dans plusieurs autres pays.
Toutefois, les autorités canadiennes de la santé publique n’ont encore donné aucune directive en ce sens.
Certains pays ont déjà ouvert la porte. Ainsi, les Seychelles admettent depuis le 15 janvier des touristes à condition que ceux-ci soient vaccinés. Cet archipel de l’océan Indien espère relancer son économie touristique, qui compte pour 30 % du produit intérieur brut, selon ce qu’indique le site internet de la Banque mondiale.
Serait-il possible qu’une idée semblable voie le jour au Canada ou dans un pays d’Europe dans un proche avenir ? Serait-il désormais nécessaire d’avoir un certificat de vaccination accompagné de son passeport pour voyager ?
Et si c’était le cas, quels seraient les enjeux d’un point de vue éthique ? Quelles seraient les conséquences sur les relations internationales ?
L’idée ne reçoit pas un écho favorable chez tous les intervenants.
Par exemple, la directrice de la clinique Santé-voyage du CHUM, la Dre Arpita Chakravarti, craint que le passeport vaccinal risque d’entraîner une forme de discrimination.
« Tous les pays ne peuvent pas offrir le même niveau de protection vaccinale à leur peuple, a répondu la médecin par courriel. On risque de prioriser certains pays et de restreindre le mouvement international des autres. »
Même si l’efficacité de plusieurs vaccins avoisine les 90 % et qu’ils aident à prévenir les formes sévères de la maladie, « on ne sait toujours pas si les vaccins protègent les gens contre la transmission du virus SARS-CoV2 », prévient la Dre Chakravarti.
La Dre Chakravarti ajoute que la durée de protection offerte par les vaccins est encore inconnue.
Pour sa part, Karim Benyekhlef, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, ne voit pas d’un mauvais œil l’idée d’un passeport immunitaire pour se déplacer d’un pays à l’autre.
L’expert en droit public avance que cela pourrait être à court terme « le seul moyen de faire en sorte que les voyages reprennent ». Cela pourrait permettre la relance d’autres secteurs comme celles du spectacle et du tourisme.
La liberté de circuler est importante, mais pour qu’elle soit assurée il faut que la libre circulation se fasse de manière sécuritaire, fait-il valoir.
On pourrait considérer la vaccination comme une des exigences pour monter à bord d’un avion.
Le professeur Benyekhlef rappelle que cette pratique était courante dans les années 1960 et 1970.
« Même dans certains pays développés il fallait montrer une preuve de vaccination, explique-t-il. Les gens avaient absolument besoin de ce qu’on appelait un carnet de vaccination pour voyager. Alors ce n’est pas un concept tout à fait nouveau. »
Il souligne que cette mesure servait à éviter la propagation de maladies contagieuses comme la variole.
« Même encore aujourd’hui quand vous allez dans certains pays du Sud, en Afrique ou ailleurs, on vous demande d’avoir des vaccins contre toutes sortes de maladies comme la fièvre jaune ou la malaria », précise celui qui a beaucoup voyagé notamment en Afrique, dans le cadre de missions pour les Nations Unies, au tournant des années 1990.
Il ne serait donc pas étonné si la demande d’une preuve de vaccination pour permettre l’accès à des vols internationaux devenait la norme dans plusieurs pays.
Selon lui, cela ne représenterait pas un enjeu d’un point de vue éthique, au contraire. « Si je décide de voyager, je dois le faire en sachant que je ne constitue pas un danger de contamination pour les autres », dit le professeur Benyekhlef.
De nouvelles mesures
Le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures vendredi, visant à décourager les voyages internationaux non essentiels. Les destinations soleil sont notamment suspendues dès dimanche, et ce jusqu’au 30 avril.
À compter du 3 février, tous les voyageurs qui reviennent au Canada par avion seront redirigés vers les quatre plus grands aéroports au pays: Montréal-Trudeau, Toronto-Pearson, Calgary et Vancouver.
En plus du test de dépistage négatif requis avant le départ, ils seront soumis à un test obligatoire à leur arrivée à l’aéroport.
Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.