MONTRÉAL — Le remdesivir semble être une avenue prometteuse dans le traitement de la COVID-19, mais il faut faire preuve de prudence avant de déterminer vraiment quel rôle il peut jouer, a indiqué un chercheur québécois qui participe à une vaste étude internationale sur la question.
Ce médicament, qui a tout d’abord été créé pour combattre le virus d’Ebola, est sur toutes les lèvres depuis que le docteur Anthony Fauci, qui conseille la Maison-Blanche en cette période de pandémie, a déclaré publiquement qu’il avait accéléré la guérison des patients à qui il avait été administré.
«Le remdesivir n’est pas un médicament qui a été fait pour traiter la COVID-19 à la base, a lancé le docteur Alexis Turgeon, du Centre de recherche du CHU de Québec. Ça reste une molécule qui se cherche une maladie. Peut-être qu’elle l’a trouvée, mais on doit être en mesure de bien évaluer les résultats (…) d’abord.»
Le docteur Turgeon et ses collègues participent à CATCO, le volet canadien de la vaste étude internationale Solidarity lancée par l’Organisation mondiale de la santé
Cette étude vise à évaluer l’efficacité de trois interventions pharmaceutiques — le lopinavir/ritonavir, l’hydroxychloroquine et le remdesivir — qui ont été utilisées chez différents patients en Chine et en Europe. Elles seront notamment comparées aux soins médicaux classiques.
«En Chine et en Europe, où il y a eu les premières éclosions de la pandémie, on a utilisé énormément de médications et d’interventions (…) sans vraiment qu’il y ait une indication claire», a dit le docteur Turgeon.
«Dans les situations d’urgence, il y a souvent un peu une panique et les gens se mettent à dire, « mon patient est mieux de recevoir quelque chose que de ne rien recevoir », ce qui n’est pas toujours le cas. Parfois, de ne rien faire c’est mieux lorsqu’on n’a pas un niveau de preuve adéquat.»
L’exemple de l’hydroxychloroquine
Si le remdesivir est le médicament qui fait la une depuis quelques jours, il y a un mois et demi, c’était l’hydroxychloroquine, rappelle le docteur Turgeon.
«Il y a quelques semaines, certains de nos collègues mettaient beaucoup de pression pour l’utiliser en standard de soins», a-t-il dit.
Mais aujourd’hui, on réalise que l’hydroxchloroquine s’accompagne d’effets secondaires potentiellement graves, au point où la Food and Drug Administration des États-Unis a récemment formulé des directives très strictes concernant son utilisation.
«Dans des situations de pandémie comme celle-là, les gens cherchent et on a tous le même objectif: on veut traiter les patients, on veut réussir à réduire la mortalité, à diminuer la morbidité, a indiqué le docteur Turgeon. Mais il y a des pas qu’on doit faire très attention de franchir, et l’hydroxychloroquine en est un. Il y a un mois et demi, certains l’auraient donnée à tout le monde, mais là on voit qu’il faut être prudent.»
Le remdesivir est une molécule «qui n’est pas non plus banale, qu’il faut étudier de façon structurée, et c’est ce qu’on fait dans l’étude CATCO Solidarity», a-t-il ajouté.
En théorie, le remdesivir pourrait interférer avec la réplication du virus, ce qui réduirait la charge virale, empêcherait ou amenuiserait la cascade inflammatoire qui cause tant de dégâts et donnerait une chance au système immunitaire de prendre le dessus.
Mais une étude publiée tout récemment par le journal médical Lancet n’a montré ni une amélioration des symptômes ni une amélioration de la mortalité. La courbe de charge virale des sujets était aussi identique, qu’ils aient ou non reçu du remdesivir.
«Même si on a une molécule qui est intéressante et qui montre des effets in vitro ou chez l’animal ou chez quelques patients, avant de sauter aux conclusions que c’est une molécule qui est clairement efficace et qui va sauver des vies, il y a un pas à franchir qui est très grand et il faut être très prudent», a précisé le docteur Turgeon.
Une autre étude, celle-là réalisée par les National Institutes of Health des États-Unis, devrait être soumise à l’examen des pairs sous peu.
«Les données qu’on a actuellement sur le remdesivir sont basées sur deux études, a conclu le docteur Turgeon. Actuellement, on ne peut pas dire que c’est une molécule qui fonctionne parce qu’on n’a pas vu les données brutes (…), mais il y a quand même quelque chose de prometteur.»