Le coronavirus a été fabriqué dans un laboratoire à l’aide du VIH. Les cellules souches représentent une arme puissante contre la nouvelle pandémie. Les personnes du groupe sanguin A sont plus sensibles à la COVID-19.
Aucune de ces «découvertes» n’a été prouvée. Mais elles ont toutes été largement répandues.
De tels exemples commencent à faire craindre à de nombreux scientifiques une érosion des moyens de protection traditionnels contre la «mauvaise science», au moment où surgit un urgent besoin de trouver des réponses à la vague de maladie qui balaie le monde.
Selon Rees Kassen, un scientifique à l’Université d’Ottawa, il circule de nombreuses données issues de recherches. Un tel besoin existe et c’est utile, mais elles doivent être accompagnées d’importantes mises en garde, avise-t-il.
La quantité de recherches sur le coronavirus et la vitesse avec laquelle elles circulent n’ont pas de précédent. Pendant la crise du SRAS de 2003, une étude menée en France a permis de constater que 93 pour cent des articles portant sur le virus ont été publiés après la fin de l’épidémie.
Pas cette fois-ci. Selon LitCovid, une plateforme consacrée aux articles sur la COVID-19, plus de 1600 textes ont été rédigés sur le sujet la semaine dernière, seulement.
Mais plusieurs sont ce qu’on appelle des «prépublications» — de la recherche qui n’a pas été testée et qui est fraîchement sortie du laboratoire.
Habituellement, un scientifique qui fait de nouvelles découvertes les rédige et les propose à un journal. Un comité éditorial se met à la recherche de problèmes, compare les découvertes à d’autres recherches et les soumet à une forme d’examen qui mène à un travail de meilleure qualité.
Toutefois, les revues entre pairs prennent des mois, ou même des années. La COVID-19 ne permet pas un tel délai.
Des scientifiques médicaux se tournent de plus en plus fréquemment vers des sites de prépublication, où les travaux de recherche sont affichés en seulement quelques jours.
«Ils ne font pas l’objet d’un examen entre pairs», note Jim Woodgett, directeur de l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, à Toronto, qui est aussi affilié à l’un des principaux sites de prépublication.
«Quand vient le temps de vérifier si les documents soumis ont une valeur scientifique et ne sont pas farfelus et dangereux, ce que nous faisons est plutôt superficiel. La prudence est de mise.»
Les sites de prépublication comptent des sections donnant place aux commentaires, et la «mauvaise science» est rapidement dénoncée.
Plus soucieux de ses sources
Plusieurs scientifiques craignent que des prépublications peu documentées puissent mener à de la désinformation. Malgré ses lacunes, l’article sur les groupes sanguins a été publié dans le New York Post.
Un article portant sur les liens entre la COVID-19 et le VIH a été retiré.
Autant le public que les journalistes devront être plus soucieux de leurs sources, soutient Jim Germida, un biologiste à l’Université de la Saskatchewan.
«On retrouve beaucoup de « bonne science », dans les prépublications. Mais il faut être prudent», mentionne M. Germida, qui supervise Éditions Sciences Canada, un organisme indépendant qui publie plus de 20 revues scientifiques.
Plusieurs journaux traditionnels font de leur mieux pour répondre à la demande liée aux plus récentes recherches liées à la COVID-19.
«Beaucoup, beaucoup de journaux de bonne réputation ont accéléré leur processus de révision», affirme M. Germida.
M. Woodgett observe que des journaux réputés ressentent une forme de pression pour rendre publique de l’information utile, même si elle est imparfaite ou incomplète. Et au moment où les universités sont fermées, plusieurs chercheurs ne sont pas en mesure de retourner à leur laboratoire pour mettre le point final à leurs travaux.
«Il y a une certaine baisse dans les normes.»
La science n’a jamais été parfaite, ajoute-t-il. De mauvais articles ont été publiés avant la COVID-19; de nouvelles découvertes remplacent les anciennes.
M. Kassen soulève le taux de mortalité de la COVID-19 qui, à l’origine, avait été évalué à 15 pour cent. On croit, maintenant, qu’il s’élève à environ un pour cent.
«Le mieux que nous pouvons faire, c’est de travailler avec l’incertitude.»
Il s’agit d’une nouvelle ère pour le monde de la publication scientifique. Pour aider à démêler le tout, M. Woodgett offre un conseil qui sera familier à tout consommateur qui a fait de la recherche sur un article ou acheté une voiture usagée.
«Si quelqu’un vous dit quelque chose de remarquable, vous devez trouver quelque chose d’autre pour le confirmer.»