Des catholiques se tournent vers l’action pour se réconcilier avec leur foi

Certains catholiques disent qu’il n’est pas facile de concilier leur foi avec ce qu’ils considèrent comme des excuses ternes de la part du pape pour les horreurs survenues dans les pensionnats pour enfants autochtones. Toutefois, pour plusieurs, le processus consiste à essayer de changer l’institution de l’intérieur plutôt que de l’abandonner.

Le «pèlerinage pénitentiel» du pontife à travers le Canada l’a vu formuler des excuses pour les actions de «tant de chrétiens», mais certains estiment que le pape François aurait dû faire plus pour reconnaître que l’Église catholique elle-même était coupable d’abus dans ces établissements. 

«C’est un défi à sa foi, parce que le pape est un chef spirituel — et c’est mon chef spirituel. Et il a choisi d’utiliser un langage qui n’assume pas l’entière responsabilité, comme il aurait pu le faire, a déploré un catholique qui enseigne à Toronto, Paolo De Buono. Je ressens de la honte et je m’inquiète de voir  mon organisation souffrir davantage en ne présentant pas des excuses complètes.»

Tôt samedi matin, lors de son voyage de retour au Vatican, le pape a utilisé un mot qu’il n’a pas utilisé en sol canadien : «génocide». Il a convenu que les abus auxquels les peuples autochtones ont été confrontés lorsqu’ils étaient forcés de fréquenter des pensionnats constituaient un génocide.

Cependant, il n’est toujours pas allé jusqu’à reconnaître que l’Église catholique elle-même était responsable.

M. De Buono a déclaré qu’il se serait attendu à voir le pape François se concentrer davantage sur le «rôle collectif de l’Église» plutôt que sur «ce que certaines personnes ont fait».

Cette critique est revenue à plusieurs reprises au sujet des excuses pontificales, y compris de la part de ceux à qui elles s’adressaient : les Autochtones qui ont été envoyés dans un pensionnat et ceux qui sont aux prises avec le traumatisme intergénérationnel qui découle de la séparation des membres de leur famille et de la suppression de leurs cultures.

Mais comme de nombreux catholiques, M. De Buono espère changer l’institution de l’intérieur, plutôt que d’abandonner sa foi.

Il a été franc sur Twitter en refusant d’enseigner à ses élèves que l’attirance et les relations LGBTQ sont mauvaises. «Je remets ouvertement [cette position] en question», a-t-il affirmé. 

Des changements par l’intérieur 

Reid Locklin, professeur au département des études religieuses de l’Université de Toronto et au St. Michael’s College, espère que davantage de catholiques adopteraient cette approche.

Il explique que les gens ressentiront une vive déception, car ils diront que ces excuses n’ont pas eu l’ampleur de ce qu’ils espéraient. «Maintenant, c’est à nous, catholiques canadiens, de faire mieux», souligne le Pr Locklin, qui est un catholique pratiquant. 

Ce type de responsabilité locale est quelque peu conforme à l’approche de leadership du pape François, ajoute-t-il. Le souverain pontife a tendance à plaider pour la «synodalité», qui désigne la participation de l’ensemble des fidèles à la réflexion et à la prise de décision en Église, ce qui donne plus d’autonomie aux conférences épiscopales nationales ou régionales.

C’est l’une des façons par lesquelles le pape François a cherché à réformer l’Église depuis qu’il est devenu son chef en 2013, fait valoir le Pr Locklin, en plus des efforts pour changer la façon dont l’institution est perçue.

«[Il] essaie de remodeler l’imaginaire de l’Église catholique de sorte qu’elle soit vraiment une église des marges, une église de ceux qui sont pauvres et dépossédés, une église de ceux qui souffrent», a-t-il déclaré.

La visite du pape semble s’aligner sur ces objectifs, dit-il. 

Il semble suivre l’exemple de la Conférence des évêques catholiques du Canada en pointant du doigt les membres de la communauté catholique plutôt que l’Église dans son ensemble, note le Pr Locklin.

Dans le cadre de ses réformes, le pape François a également cherché à lutter contre les abus sexuels du clergé au sein de l’Église catholique, explique le professeur. 

À certains égards, le souverain pontife l’a fait au Canada, reconnaissant jeudi ce genre d’abus. Mais il ne s’est pas excusé spécifiquement pour les abus sexuels qui se sont produits dans les pensionnats pour les enfants autochtones, suscitant les critiques de certains observateurs.

Tony Ritchie, qui est impliqué dans l’Église catholique dans la région d’Ottawa, considère les excuses comme un signe de ce qui est à venir. 

«Les excuses ne sont pas le point final, c’est essentiellement le début du voyage vers la réconciliation, a-t-il déclaré. Les prochaines étapes vont être les plus importantes.»

M. Ritchie a dit qu’à l’avenir, il pense que l’Église devrait favoriser une relation plus étroite avec ses «voisins autochtones», une relation qui oublie le contrôle d’antan.

La paroisse Saint-Basile à Ottawa, par exemple, organise une messe autochtone une fois par mois, et M. Ritchie indique que d’autres églises locales encouragent leurs dirigeants à mettre en œuvre quelque chose de similaire.

«L’Église doit évoluer continuellement à mesure que la société évolue. On peut se décourager et quitter l’Église parce qu’on la trouve démodée, ou on reste en son sein et on tente d’apporter des changements.»