QUÉBEC — Quelles sont les conséquences de l’activité humaine et des changements climatiques sur la biodiversité du fleuve Saint-Laurent?
C’est ce que tenteront de déterminer au cours des prochains mois des chercheurs de l’Université Laval. Le projet, qui s’échelonnera sur trois ans, évaluera aussi l’impact économique de ces perturbations sur la pêche, le tourisme et plusieurs autres bénéfices que procure le Saint-Laurent aux populations humaines qui l’entourent.
La première étape du projet consistera à élaborer une liste des principaux facteurs de stress liés à l’activité humaine qui affectent le Saint-Laurent et les espèces qui y vivent.
«On a plusieurs hypothèses, notamment sur les nutriments et les contaminants, a dit le responsable du projet, le biologiste Philippe Archambault, qui enseigne à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval. On sait qu’il y a beaucoup d’industries dans la portion plus à l’ouest du Saint-Laurent, de Montréal jusqu’à Québec, donc on s’attend à ce qu’il y ait de l’eutrophisation (…), probablement des contaminants à certains endroits.»
L’eutrophisation est un déséquilibre du milieu souvent caractérisé par une croissance excessive des plantes et des algues due à la forte disponibilité des nutriments.
Cette nouvelle étude portera sur la partie «eau douce» du fleuve. Elle s’inscrit dans la foulée d’une première étude réalisée au cours des cinq dernières années dans la partie marine du Saint-Laurent, soit environ du Saguenay jusqu’à Gaspé, aux Îles-de-la-Madeleine, au Cap-Breton, et même jusqu’à l’Île-du-Prince-Édouard.
«Ça fait déjà cinq ans qu’on travaille sur la partie marine, et maintenant on veut aller un peu plus loin sur la partie eau douce, a dit M. Archambault. On sait que tout est interconnecté.»
La première étude a permis d’en apprendre un peu plus au sujet de plusieurs de ce que les chercheurs appellent des «stresseurs», par exemple le bruit engendré par la navigation maritime.
«Il y a un maximum d’impacts près des grandes villes et agglomérations, donc des activités humaines, ce qui est assez logique, a révélé M. Archambault. Mais il y a quand même des endroits où les stresseurs vont se cumuler. Un bon exemple: il y a des endroits du Saint-Laurent où on commence à manquer d’oxygène dans les zones très très profondes, on ajoute qu’on a mesuré une acidification des océans, et en plus la température de l’eau augmente… On commence à en cumuler plusieurs.»
Les chercheurs établiront notamment dans la partie eau douce une liste d’espèces sentinelles, c’est-à-dire des espèces qui permettent de suivre aussi fidèlement que possible l’évolution de la santé d’un écosystème.
L’étude du professeur Archambault s’intègre dans le projet LAND2SEA, un effort multidisciplinaire international regroupant 18 chercheurs de cinq pays visant à évaluer les conséquences de l’activité humaine et des changements climatiques en différents points du globe. En plus du Saint-Laurent, des travaux auront lieu dans la baie de Dublin, en Irlande, et dans la mer de Wadden, en Allemagne.
«On n’est pas les premiers à étudier les stresseurs, mais on essaie de tous les mettre dans la même analyse, au lieu de les faire un par un, a-t-il expliqué. Notre aspect nouveau est de tout intégrer dans une même analyse pour avoir des décisions concertées sur plusieurs (stresseurs) à la fois au lieu d’y aller un à la fois. Il faut avoir une vision plus holistique.»