Des chercheurs réclament un programme d’échange de seringues en prison

OTTAWA – Une étude suggère au gouvernement fédéral de mettre en place dans les prisons des programmes d’accès à des seringues et aiguilles saines, dans le but de limiter les taux de VIH et d’hépatite C, qui seraient de 10 à 30 fois plus élevé en détention que dans la population générale.

L’auteure principale de cette étude de l’Université Ryerson, Emily van der Meulen, souhaite voir le gouvernement examiner les études d’efficacité de programmes utilisés en Suisse depuis plus de 20 ans.

C’est, selon elle, une question de santé et de droits humains.

Les prisons où de tels programmes ont été adoptés ont vu des avantages importants, dont une réduction du partage des aiguilles et des surdoses.

Les coffres du gouvernement seraient également gagnants, a-t-elle ajouté.

Les coûts associés au VIH et à l’hépatite C en prison sont très élevés: près de 30 000 $ par année pour un traitement du VIH, et le double pour une hépatite C, a-t-elle dit.

«La recherche a démontré que les programmes d’échange de seringue sont parmi les mesures les plus rentables pour les toxicomanes, que ce soit dans la communauté ou en prison.»

Le Canada est en retard en ce qui a trait à la distribution de seringues dans les établissements carcéraux, croit Sandra Ka Hon Chu du Réseau juridique canadien VIH/sida.

«Nous avons les ressources au Canada pour mettre en oeuvre ces programmes, a-t-elle fait valoir. Nous avons les preuves pour le faire.»

Alors que les groupes et experts réclament les programmes, la question est étudiée devant les tribunaux.

Un ancien détenu et divers groupes, dont le Réseau juridique canadien VIH/sida, ont déposé en septembre 2012 une poursuite contre le gouvernement, car il avait négligé de rendre disponibles des aiguilles et seringues en prison pour prévenir la transmission des virus.

En entrevue avec La Presse Canadienne, l’enquêteur correctionnel, Howard Sapers, a assuré que son bureau a déjà recommandé à Service correctionnel Canada d’explorer des options pour réduire les risques, dont celle d’un programme d’accès à des seringues stérilisées.

«On a (en prison) une densité élevée de gens vivant dans des endroits plutôt confinés. Il y a aussi consommation de drogue de contrebande, souvent injectable. Il y a le tatouage en prison et des contacts sexuels. Toutes ces activités augmentent réellement les chances de transmettre un virus, et on le voit de façon manifeste dans les taux de VIH, qui sont beaucoup plus élevés à l’intérieur d’une institution carcérale que dans la communauté à l’extérieur.»

Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a affirmé vendredi que le gouvernement ne pouvait commenter le sujet étant donné le litige en cours, mais qu’il se consacrait à adopter des politiques basées sur des preuves scientifiques.