Des civils appellent à l’aide pendant que les Russes sont repoussés à Marioupol

KHARKIV, Ukraine — Les forces ukrainiennes se sont battues samedi pour repousser l’avancée de soldats russes dans le sud et l’est de leur pays, où le Kremlin cherche à s’emparer de la région industrielle du Donbass.

L’Organisation des Nations unies (ONU) continue de négocier l’évacuation des civils des ruines infernales de Marioupol, une ville portuaire du sud, dont la Russie cherche à s’emparer depuis qu’elle a envahi l’Ukraine il y a plus de neuf semaines.

Le maire de Marioupol, Vadym Boichenko, a déclaré vendredi que les citoyens «supplient pour être sauvés» d’une aciérie devenue le dernier bastion de défense de la ville.

«Ce n’est pas une question de jours. C’est une question d’heures», a-t-il affirmé.

On estime que 2000 combattants se sont terrés dans l’usine avec environ 1000 civils. Il s’agit de la seule partie de Marioupol non occupée par les forces russes. Selon les responsables ukrainiens, environ 100 000 civils vivent toujours dans la ville de Marioupol.

Les médias russes ont rapporté samedi que 25 civils avaient été évacués de l’aciérie d’Azovstal, bien qu’il n’y ait eu aucune confirmation de l’ONU ou des responsables ukrainiens. L’agence de presse russe RIA Novosti a déclaré que 19 adultes et six enfants avaient été sortis de l’usine, mais n’a pas donné plus de détails.

Une vidéo et des images de l’intérieur de l’usine ont été partagées avec l’Associated Press par deux femmes ukrainiennes. Elles ont mentionné que leurs maris faisaient partie des combattants refusant de se rendre là-bas, montraient des hommes blessés non identifiés avec des bandages tachés à changer; d’autres avaient des plaies ouvertes ou des membres amputés.

Une équipe médicale réduite soignait au moins 600 blessés, ont affirmé les femmes, dont les maris sont membres de la Garde nationale du Régiment Azov. Certaines des blessures pourrissaient de gangrène, ont-elles dit.

Dans la vidéo que les femmes ont partagée, les hommes blessés témoignent à la caméra qu’ils mangent une fois par jour et partagent en quatre aussi peu que 1,5 litre d’eau par jour. Les réserves à l’intérieur de l’installation encerclée sont épuisées, ont-ils déclaré.

L’Associated Press n’a pas pu vérifier de manière indépendante la date et l’emplacement des images, qui, selon les femmes, ont été prises la semaine dernière dans le réseau de passages sous l’aciérie.

Mission de sauvetage

Pour ceux à l’intérieur de l’aciérie de Marioupol, un vaste réseau souterrain de tunnels et de bunkers a assuré leur sécurité contre les frappes aériennes. Mais la situation s’est aggravée après que les Russes ont largué des «casseurs de bunkers» et d’autres bombes sur l’usine, a déclaré vendredi le maire Vadym Boichenko.

Les deux Ukrainiennes ont dit craindre que des soldats soient torturés et tués s’ils sont laissés derrière et capturés par les Russes. Ils ont demandé une mission de type Dunkerque pour évacuer les combattants, une référence à l’opération de la Seconde Guerre mondiale lancée pour secourir les troupes alliées encerclées dans le nord de la France.

«Nous pouvons réaliser cette opération d’extraction […] qui sauvera nos soldats, nos civils, nos enfants, a déclaré Kateryna Prokopenko, âgée de 27 ans, à l’Associated Press. Nous devons le faire dès maintenant, parce que des gens meurent toutes les heures, toutes les secondes».

Le porte-parole de l’ONU, Farhan Haq, a déclaré que l’organisation négociait avec les autorités de Moscou et de Kiev pour créer les conditions d’un passage sûr.

Récemment, deux bus qui se dirigeaient vers la ville de Popasna, dans l’est de l’Ukraine, pour évacuer les habitants, ont été la cible de tirs. Le contact avec les chauffeurs a été perdu, a déclaré le maire Nikolai Khanatov.

De plus, une attaque à la roquette a détruit la piste de l’aéroport d’Odessa, la troisième ville la plus peuplée d’Ukraine ainsi qu’un port clé de la mer Noire, a indiqué l’armée ukrainienne. L’agence de presse ukrainienne UNIAN a rapporté que «plusieurs» explosions ont été entendues à Odessa samedi, incitant les autorités locales à conseiller aux habitants de s’abriter sur place.

L’Ukraine attribue l’échec de nombreuses tentatives d’évacuation à la persistance des bombardements russes.

Offensive plus lente que prévu

Des analystes militaires occidentaux ont suggéré que l’offensive de Moscou dans la région orientale du Donbass, qui comprend Marioupol, se déroulait beaucoup plus lentement que prévu. Jusqu’à présent, les troupes russes et les forces séparatistes que Moscou soutient dans la région depuis 2014 semblent n’avoir fait que des gains mineurs au cours du mois depuis que Moscou a déclaré qu’elle concentrerait sa force militaire dans l’est de l’Ukraine.

Sur le plan des effectifs militaires, ceux de la Russie dépassent largement ceux de l’Ukraine. Dans les jours précédant le début de la guerre, les services de renseignement occidentaux estimaient que la Russie avait positionné près de la frontière jusqu’à 190 000 soldats; l’armée permanente de l’Ukraine compte environ 200 000 hommes, répartis dans tout le pays.

Avec une grande puissance de feu encore en réserve, l’offensive promise par la Russie pourrait encore s’intensifier et dépasser les Ukrainiens. Dans l’ensemble, l’armée russe compte environ 900 000 militaires en service actif. La Russie dispose également d’une armée de l’air et d’une marine beaucoup plus importantes que l’Ukraine.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky l’a reconnu dans son discours du soir.

«Si les envahisseurs russes réussissent à réaliser leurs plans, au moins en partie, ils auront encore assez d’artillerie et d’avions pour détruire tout le Donbass. Tout comme ils ont détruit Marioupol», a-t-il déclaré.

Au cours de son allocution, le président Zelensky a prononcé quelques mots en russe afin d’exhorter les soldats de l’envahisseur à refuser de combattre en Ukraine en leur disant que leurs propres généraux s’attendent à ce que des milliers d’entre eux meurent.

Il a déclaré que la Russie avait recruté de nouveaux soldats «peu motivés et peu expérimentés» pour renflouer les unités décimées dans les premières semaines de l’invasion et les renvoyer au champ de bataille. Il a ajouté que les commandants russes savent très bien que des milliers d’hommes vont mourir et que des milliers d’autres seront blessés dans les prochaines semaines.

«Les commandants russes mentent à leurs soldats quand ils leur disent qu’ils seront tenus responsables s’ils refusent de se battre et ils leur cachent en même temps, par exemple, que l’armée russe a prévu davantage de camions réfrigérés pour entreposer les cadavres. Ils ne leur parlent pas des nouvelles pertes attendues par les généraux», a plaidé le chef d’État ukrainien.

«Chaque soldat russe peut encore sauver sa propre vie. C’est mieux pour vous de survivre en Russie que de périr sur nos terres», a-t-il ajouté.