MONTRÉAL — Les organismes qui viennent en aide aux femmes victimes de violence conjugale tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences de la pandémie et les risques que comporte le déconfinement, à la suite de la multiplication des meurtres conjugaux au cours des dernières semaines.
Six meurtres liés à la violence conjugale en à peine plus d’un mois, «c’est du jamais vu», tranche Claudine Thibaudeau, une travailleuse sociale chez SOS Violence conjugale, qui note que le Québec en dénombre habituellement en moyenne une douzaine chaque année.
«La pandémie a été utilisée par des partenaires violents comme prétexte pour amplifier le contrôle dans la relation, analyse-t-elle en entrevue avec La Presse Canadienne. On craignait ça, on l’a vu. On a aussi vu beaucoup de victimes de violence conjugale remettre à plus tard la réflexion concernant une rupture.»
Mme Thibaudeau craint qu’il y ait une seconde escalade de violence lorsque les mesures sociosanitaires vont prendre fin et que les milieux de travail vont rouvrir et que les victimes envisageront à nouveau à annoncer une rupture à leur conjoint.
«Quand le partenaire s’en rend compte ou que quand cette rupture lui est annoncée, il y a un risque très grand d’augmentation de la violence et ça peut aller jusqu’au meurtre, a-t-elle déclaré. Dans presque toutes les situations où il y a des meurtres conjugaux, c’est dans des contextes de rupture ou après la rupture ou au moment où la relation est remise en question.»
L’organisme réclame que les élus fortifient le réseau des services d’accompagnement et d’hébergement pour les victimes de violence conjugale afin que toutes les victimes y aient accès, rapidement, à une distance raisonnable de leur domicile, et qu’ils permettent d’assurer la sécurité de leurs enfants, des personnes à charge qu’elles hébergent et des animaux impliqués dans la situation.
L’augmentation des meurtres conjugaux «était malheureusement prévisible», note pour sa part Manon Monastesse, la directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF).
Elle demande aux hommes d’envoyer «un message clair que pour eux, c’est aussi inacceptable la violence faite aux femmes et qu’ils sont là s’il y a des femmes de leur entourage pour soutenir».
Mme Monastesse a soutenu qu’il est démontré que «ce qui marche», c’est lorsque des figures marquantes masculines de l’entourage des conjoints violents leur disent que ce qu’ils font c’est inacceptable et qu’il faut qu’ils changent.
Au début mars, le premier ministre François Legault s’était adressé «aux hommes, d’homme à homme» en début de conférence de presse.
«Il n’y a rien de masculin, il n’y a rien de viril à être violent avec une femme, avait-il déclaré. Au contraire, je trouve ça lâche.»
De nouvelles agressions
Ces cris d’alarme sont lancés dans la foulée de deux nouvelles agressions au cours des derniers jours, dont l’une mortelle.
Une femme âgée de 29 ans luttait samedi pour sa vie à Montréal après avoir été rouée de coups par son conjoint, selon les policiers.
C’est un appel au 911 vers 6 h 50 qui a alerté les policiers du drame qui venait de se produire dans un appartement d’un immeuble à logements, situé sur la rue des Oblats, dans l’arrondissement LaSalle.
La femme était inconsciente lorsque les policiers sont arrivés sur les lieux, a raconté Jean-Pierre Brabant, un porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
«Il y a eu un arrêt cardiorespiratoire, a précisé l’agent Brabant. Des manœuvres de réanimation ont été faites.»
Elle a été transportée vers un centre hospitalier où son état est considéré comme critique.
Un homme âgé de 32 ans qui est connu des policiers a été arrêté sur les lieux et il a comparu par téléphone samedi soir.
«Il a été accusé de voie de fait grave et bris de condition et l’enquête se poursuit», a indiqué la porte-parole du SPVM Caroline Chèvrefils.
7e meurtre à Montréal
Les policiers ont également confirmé samedi que la femme âgée d’une quarantaine d’années découverte morte dans un taxi, la veille, dans l’arrondissement Saint-Léonard, a été victime d’un meurtre conjugal. Son conjoint s’est par la suite enlevé la vie, a conclu le SPVM.
Il s’agit du septième homicide à survenir sur l’île de Montréal en 2021.
À Montréal, la violence conjugale a représenté le quart des crimes contre la personne et 17 % des homicides en 2019, selon une compilation du SPVM.
Sur Twitter, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a exprimé son indignation.
«Il faut que ça cesse, a-t-elle écrit. Cette violence envers les femmes est inacceptable. Après le féminicide dans Saint-Léonard hier, voilà un épisode de violence conjugale à LaSalle. Ça ne peut plus durer.»
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Si vous avez besoin d’aide, communiquez avec SOS violence conjugale au 1 800 363-9010.