Des installations de pêche incendiées en N.-É; un possible suspect blessé

WEST PUBNICO, N.-É. — La promesse d’une présence policière accrue pour contenir la flambée de violence dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse a reçu un accueil mitigé. Un chef autochtone appelle le gouvernement fédéral à déployer l’armée dans la foulée d’un incendie suspect survenu dans la nuit de vendredi à samedi, sur fond de tensions croissantes entre pêcheurs.

À Ottawa, les dirigeants des partis d’opposition ont blâmé l’inaction du gouvernement fédéral pour le brasier qui a complètement détruit l’entrepôt de homards Pubnico-Ouest.

Les débris carbonisés des installations sont éparpillés le long du rivage; les prises de homard des pêcheurs mi’kmaq, parties en fumées.

Personne ne se trouvait à l’intérieur du bâtiment au moment où il a pris feu. La police rapporte toutefois qu’un homme — possiblement une personne d’intérêt dans l’enquête — a été hospitalisé pour des blessures qui mettent sa vie en danger.

Le chef Mike Sack de la première nation de Sipekne’katik souhaite un déploiement militaire pour empêcher les pêcheurs commerciaux de «se faire justice eux-mêmes».

«Ils font ce qu’ils veulent et ils s’en tirent sans conséquence, a-t-il décrié en entrevue. Il faut que l’armée intervienne pour garder la paix. »

Quelques heures avant que l’incendie n’éclate, la police a arrêté et accusé un homme pour une agression perpétrée plus tôt cette semaine contre Mike Sack.

«C’était des représailles, croit le chef autochtone. «Nous sommes maintenant pris pour cibles. Ce sont des crimes haineux. »

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a autorisé un renforcement de «la présence de personnel de la GRC sous contrat, selon les besoins, dans cette juridiction», à la demande du procureur général de la province.

«Les actes de violence récents en Nouvelle-Écosse sont inacceptables et je les dénonce fortement», a-t-il déclaré dans un communiqué.

«Je tiens à être clair : les tensions actuelles ne peuvent pas continuer, a-t-il ajouté. Le conflit doit être apaisé, maintenant.»

En début de soirée, le premier ministre Justin Trudeau s’est tourné vers Twitter pour réagir à son tour aux événements.

«Je suis atterré par les actes de violence, d’intimidation et de destruction qui ont lieu en Nouvelle-Écosse. Les auteurs devront répondre de leurs actes», a-t-il déclaré, en disant avoir pour objectif d’«assurer la sécurité de tous».

Pour deux des chefs d’opposition, ce soutien accru à la police fédérale en Nouvelle-Écosse est insuffisant.

Le chef conservateur, Erin O’Toole, a déclaré que le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour trouver une résolution pacifique à cette crise.

M. Trudeau ne peut pas ignorer ses responsabilités, a-t-il déclaré.

«La gestion lamentable de cette situation par son gouvernement et son manque de leadership minent des décennies de relations bâties depuis la décision Marshall et mettent des vies et des gagne-pains en danger.»

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a pour sa part assimilé la violence contre les pêcheurs autochtones à du «terrorisme».

«Il faut agir, cela doit cesser», a-t-il écrit sur Twitter.

Plusieurs ministres fédéraux ont reconnu que les préoccupations du chef Mike Sack sont fondées.

La ministre des Pêches, Bernadette Jordan, et la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, ont toutes deux dit s’être entretenues avec lui pour exprimer leur soutien envers sa communauté et envers leurs droits issus de traités.

«Nous partageons la priorité urgente de la sécurité de sa communauté», a écrit la ministre Bennett sur Twitter.

Le chef du service d’incendie du district d’Eel Brook, Jonathan LeBlanc, affirme que le bâtiment était «une cause perdue». À l’arrivée des pompiers, la structure était déjà dévorée par les flammes, nourries par le vent.

Les équipes ont réussi à protéger les bâtiments adjacents, rapporte-t-il, même si des lignes électriques ont compliqué leur travail.

Selon M. LeBlanc, il est trop tôt pour en déterminer la cause, mais le bureau du commissaire des incendies fait enquête.

Les protestataires non autochtones s’opposent cette fois à la décision des Mi’kmaq de lancer une pêche commerciale au homard «autoréglementée» en septembre dernier — avant la saison prévue par la réglementation fédérale, vers la fin de novembre.

Ces derniers soutiennent toutefois que les peuples autochtones du Canada atlantique et du Québec ont le droit de pêcher où et quand ils le souhaitent, conformément à un arrêt de la Cour suprême du Canada de 1999, qui se base sur des traités signés par la Couronne au 18e siècle.

Mais de nombreux détracteurs non autochtones citent une clarification publiée quatre mois après l’arrêt de 1999 selon laquelle les droits issus de ces traités sont tout de même assujettis aux règles fédérales, afin d’assurer la conservation de la ressource, en consultation avec les Autochtones.

Le chef Sack objecte que les saisons de pêche sont fixées en fonction de considérations commerciales et que les activités autochtones ne nuisent pas aux stocks.

Les pêcheurs commerciaux ont «peur de partager», déplore-t-il.