Des proches aidants pouvaient entrer en CHSLD lors de la 1ère vague, dit Yvan Gendron

QUÉBEC — Des proches aidants pouvaient tout à fait entrer dans les CHSLD lors de la première vague de COVID-19, a soutenu mercredi Yvan Gendron.

Celui qui était sous-ministre à la Santé au printemps 2020 a déclaré devant la coroner Géhane Kamel qu’il n’avait jamais été question d’interdire de façon absolue l’accès aux proches aidants.

Le 15 mars 2020, M. Gendron a interdit les visites, même si le guide d’adaptation des services en CHSLD, diffusé trois jours plus tôt, militait en faveur du maintien d’un réseau de proches aidants. 

Les visites pour des raisons humanitaires étaient permises, et celles-ci incluaient les visites des proches aidants qui avaient un apport essentiel dans les soins de leurs proches, a précisé l’ancien sous-ministre, mercredi.

«Si (l’aidant naturel) lui permet d’être alimenté comme il faut, par exemple, bien, c’est une visite essentielle, ok, donc il y avait un jugement par rapport à la situation qui appartenait à l’établissement.» 

Il s’agissait de traiter chaque situation au cas par cas, a ajouté M. Gendron, qui est aujourd’hui PDG par intérim de la Corporation d’Urgences-santé.

Écart «abyssal» avec la réalité

Ce témoignage «extrêmement surprenant» a fait bondir l’avocat qui représente six familles d’aînés morts en CHSLD, Me Patrick Martin-Ménard.

Il a rappelé en entrevue avec La Presse Canadienne que les proches aidants ont été interdits de visite dans les CHSLD au même titre que tous les autres visiteurs.

«C’est une contradiction absolue avec la réalité qu’on a vue sur le terrain, a-t-il affirmé. Ça vient démontrer encore une fois (…) à quel point ces directives-là étaient mal communiquées, mal appliquées.»

Me Martin-Ménard déplore un écart «abyssal» entre ce qui était décidé dans les hautes sphères et la réalité sur le terrain. Résultat: des personnes âgées sont mortes dans des conditions «absolument épouvantables», dit-il.

C’est un fait, ajoute-t-il: plusieurs des personnes hébergées qui dépendaient de leurs proches aidants sont décédées d’un manque de soins de base, donc de déshydratation, de dénutrition ou d’immobilisation.

«Une grande partie de ces décès-là auraient pu être évités», tranche l’avocat.

La coroner Kamel est par ailleurs revenue sur une autre directive qui a été suivie à la lettre, selon elle: celle d’«éviter» de transférer des aînés en CHSLD vers les hôpitaux.

Depuis mardi, de hauts fonctionnaires affirment que cette interdiction n’était pas ferme. «Étiez-vous conscient que vos directives étaient lues comme la Bible», a demandé Me Kamel.

M. Gendron a répondu que le terrain devait utiliser son «jugement» au moment d’appliquer les directives du ministère.

Manque de préparation

L’ancien sous-ministre se rappelle en outre avoir énoncé clairement aux acteurs du réseau, le 22 janvier 2020, qu’ils devaient se préparer et préparer les CHSLD.

«Les établissements devaient faire leurs plans», a-t-il déclaré.

La coroner lui a demandé ce qui a pu se passer pour que, malgré les discussions sur la préparation en janvier, on se retrouve en mars avec des CHSLD à la «guerre» sans «armes ni munitions».

«L’organisation sur le terrain, ça leur appartient, a répondu M. Gendron. Est-ce que tous les gens se sont préparés de façon suffisante? (…) Des fois, on dirait que tant que ça ne te frappe pas, tu ne mets pas toutes tes énergies.»

En après-midi, le sous-ministre associé aux ressources humaines, Vincent Lehouillier, a affirmé qu’au plus fort de la première vague, 12 000 employés manquaient dans le réseau public, dont 3500 en CHSLD. 

«Près de 30 % de l’effectif en CHSLD était absent», a-t-il dit.

Jeudi, ce sera au tour de l’ex-ministre de la Santé Danielle McCann de venir à la barre des témoins, un événement rarissime.