Deux officiers de la GRC maintiennent leurs accusations d’ingérence politique

OTTAWA — Les deux membres de la GRC ayant formulé des allégations d’ingérence politique dans l’enquête ayant suivi la tuerie de Portapique, en Nouvelle-Écosse, campent sur leur position.

Le surintendant Darren Campbell et l’ancienne directrice des communications stratégiques Lia Scanlan faisaient partie des témoins convoqués devant le comité de la sécurité publique de la Chambre des communes, mardi.

Ce comité cherche à démêler le vrai du faux dans les versions divergentes des événements. Les parlementaires veulent déterminer si la commissaire Brenda Lucki a subi des pressions du gouvernement fédéral pour la pousser à rendre publics les détails de l’arsenal d’armes utilisé par le tireur dans sa cavale meurtrière de 13 heures qui a fait 23 morts, dont le suspect.

Plusieurs officiers de la GRC de la Nouvelle-Écosse ont déclaré que Mme Lucki les avait enguirlandés neuf jours après la tuerie.

Selon les notes manuscrites de Darren Campbell, prises lors de la réunion du 28 avril 2020, Brenda Lucki leur aurait révélé qu’elle avait promis au ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, que les détails au sujet des armes seraient dévoilés au cours d’une conférence de presse tenue le même jour. Elle aurait soutenu que le ministre en avait fait la demande afin de mousser la mise à jour attendue de la loi sur le contrôle des armes à feu.

Dans son propre témoignage, Brenda Lucki a dit ne pas s’être ingérée dans l’enquête, mais qu’elle était en colère contre la division de la Nouvelle-Écosse en raison de ses communications avec le public jugées inefficaces. Les médias avaient dévoilé des informations avant que ces faits ne soient confirmés par les enquêteurs.

«J’ai convoqué cette réunion pour exprimer ma frustration et ma déception», a-t-elle mentionné devant le comité en juillet dernier.

Mardi, le surintendant Campbell a dit aux députés que la commissaire Lucki lui avait fait sentir qu’il était idiot et qu’il ne comprenait pas l’importance de dévoiler cette information.

La GRC a fait l’objet de profondes remises en question pour ses pratiques en matière de communication avec la population et les familles des victimes pendant et après la tuerie. L’enquête publique en cours, en Nouvelle-Écosse, a reçu le mandat de fouiller cet aspect ainsi que bien d’autres entourant la gestion policière de cette crise.

Au sujet des informations sur l’arsenal du tireur, Darren Campbell estime qu’il ne pouvait pas dévoiler les marques et les modèles des armes parce que cela aurait «eu un impact négatif sur l’enquête».

«On avait des objectifs d’enquête, qui incluaient de creuser au sujet de toute personne ayant pu aider le tueur d’une manière ou d’une autre», explique l’enquêteur.

À ce moment, la GRC, le FBI et d’autres corps de police cherchaient à comprendre comment le suspect avait pu importer au pays des armes acquises aux États-Unis.

Dans le cas de Lia Scanlan, elle dit avoir eu l’impression que la commissaire Lucki se fichait complètement des risques que sa demande représentait pour le succès de l’enquête.

Personne n’a fait l’objet d’accusations, ni au Canada ni aux États-Unis, pour avoir aidé le tireur à se procurer des armes à feu.

Le comité s’intéresse aussi à la décision de Brenda Lucki de remettre la liste des armes du tireur à des représentants du gouvernement fédéral à la fin avril. Selon des documents déposés dans l’enquête publique, elle avait fourni l’inventaire au ministre Blair en précisant que cette liste ne devait être consultée que par le ministre et le premier ministre.

Toutefois, pour le surintendant Campbell, cette décision de la commissaire était inappropriée.

«De ce que j’en sais, la consigne était très claire que cette information ne devait pas être partagée à l’extérieur des rangs de la GRC», a-t-il témoigné. Cette consigne aurait été formulée par l’organisme indépendant chargé de surveiller les pratiques policières en Nouvelle-Écosse, soit l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave (SIRT).

Le SIRT était lui aussi mobilisé parce qu’il devait enquêter sur l’intervention policière qui s’est terminée avec la mort du suspect, abattu par des gendarmes.

Cependant, l’ancien directeur du SIRT Pat Curran a répondu dans un courriel transmis à La Presse Canadienne que l’arsenal du tueur ne faisait pas partie de l’enquête de son équipe et qu’il n’avait pas donné de consigne particulière à la GRC.

Dans leur témoignage respectif, Bill Blair et Brenda Lucki ont tous les deux plaidé de manière convaincue qu’il n’y avait jamais eu de pression politique exercée contre la commissaire. En contrepartie, la direction de la GRC en Nouvelle-Écosse a soutenu que la commissaire faisait bien l’objet d’intenses pressions et qu’elle s’en était plainte lors de la réunion du 28 avril.