Donald Trump concentre ses tirs sur Kamala Harris

Trump et ses alliés républicains prétendent sans preuve que c’est Mme Harris, la première femme noire sur un ticket important, qui sera vraiment aux commandes si les démocrates décrochent la Maison-Blanche.

SACRAMENTO, Calif. — Tentant d’orchestrer une remontée, le président Donald Trump et ses alliés républicains détournent leur attention du candidat démocrate Joe Biden pour concentrer leurs tirs vers sa colistière, la sénatrice Kamala Harris — prétendant sans preuve que c’est Mme Harris, la première femme noire sur un ticket important, qui sera vraiment aux commandes si les démocrates décrochent la Maison-Blanche.

Cet effort est teinté de racisme et de sexisme, et il vise à séduire les républicains et les indépendants qui aiment la fiche plus modérée de M. Biden, mais qui associent peut-être Mme Harris avec l’aile gauche de son parti, en dépit de ses positions centristes sur plusieurs grandes questions.

Au cours de la dernière semaine, M. Trump a dit à Sean Hannity de Fox News que Mme Harris prendrait charge de la présidence moins de «trois mois» après l’assermentation de M. Biden. Lors d’une conversation avec Rush Limbaugh, il a prévenu que la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, délogerait M. Biden pour donner la présidence à Mme Harris. Et il l’a traitée de «monstre» lors d’une entrevue avec Maria Bartiromo, de Fox Business.

M. Trump se concentre sur Mme Harris au moment où M. Biden le devance dans la plupart des sondages, à l’échelle nationale ou dans les États cruciaux, à trois semaines du vote. M. Trump a souvent attaqué la capacité de M. Biden à être président, mais il veut maintenant, et plus que jamais, changer de sujet après avoir été infecté par le coronavirus.

Lors de son premier événement électoral depuis son hospitalisation, lundi en Floride, M. Trump a lancé à la foule que «plusieurs mauvaises journées» attendent M. Biden.

L’ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, un proche de M. Trump, pousse le président à placer Mme Harris au coeur de sa campagne.

«Si les électeurs comprennent la totalité de son radicalisme, ils concluront que ce serait très risqué de l’envoyer à la Maison-Blanche», a dit M. Gingrich.

Il a ajouté que M. Biden est «docile» et sa colistière «agressive».

Le sexisme et le racisme que cela connote, et d’entendre M. Trump traiter Mme Harris de «monstre», ciblent directement les partisans les plus féroces du président.

«Ils essaient vraiment de dire qu’on ne veut pas d’une Noire comme présidente, a dit la représentante Marcia Fudge, une démocrate de l’Ohio et l’ancienne présidente du caucus noir du Congrès. Ils disent que nous ne voulons pas que cette personne noire prenne le pouvoir s’il arrive quelque chose à Joe Biden.»

Mme Fudge croit que les tentatives de présenter Mme Harris comme une radicale vont à l’encontre de ses antécédents, surtout en ce qui concerne les forces de l’ordre. Mmes Harris et Fudge sont d’anciennes procureures.

Les républicains «parlent constamment de la loi et de l’ordre à la seule personne dans cette course qui a un passé de loi et d’ordre», a dit Mme Fudge.

Le message de M. Trump semble malgré tout plaire à ses partisans.

«J’ai peur que ce soit une administration Harris si elle est élue, parce que le vieux Joe a des problèmes», a commenté Bob Stanley, un électeur de la Pennsylvanie qui votera de nouveau pour M. Trump.

Joshua Dyck, un politologue de l’Université du Massachusetts à Lowell, estime que l’attention accordée à Mme Harris démontre que les attaques de M. Trump contre M. Biden ratent la cible.

«Ça démontre une volonté de ne pas faire campagne contre Joe Biden, de faire campagne contre n’importe qui d’autre que Joe Biden», a-t-il dit.

Rien ne permet vraiment de croire que la stratégie de M. Trump aura un impact. Si le choix d’un vice-président attire beaucoup d’attention, cela influence rarement les électeurs, a ajouté M. Dyck.

La capacité du colistier à prendre le relais est depuis longtemps un critère de première importance. Peu importe qui est élu, M. Biden à 77 ans ou M. Trump à 74 ans, le candidat choisi deviendra le plus vieux président jamais assermenté.

M. Biden a dévoilé son dossier médical pour la dernière fois en décembre 2019. Son médecin affirme qu’il est «en santé et vigoureux», et apte à être président. Il prend de la médication pour le cholestérol et souffre de fibrillation auriculaire, une forme d’arythmie pour laquelle il prend des anticoagulants pour éviter la formation de caillots et réduire le risque d’accident vasculaire cérébral.

Lors d’un sondage publié en août par le Pew Research Center, 31 % des partisans de Joe Biden s’inquiétaient de son âge, contre seulement 1 % des partisans du président Trump. La question a toutefois été posée avant que M. Trump soit infecté par le coronavirus.

Lors de leur débat la semaine dernière, Mme Harris et le vice-président Mike Pence n’ont pas voulu dire s’ils avaient discuté avec leurs patrons respectifs de ce qui se produirait en cas d’incapacité présidentielle.

Mme Harris a plutôt évoqué son expérience politique, une façon détournée de mettre en relief sa capacité à prendre le relais au besoin.

«J’ai été membre du comité sénatorial du renseignement, où j’ai souvent vu des informations confidentielles concernant des menaces contre notre pays et des points chauds à travers le monde. J’ai parcouru la planète et j’ai rencontré nos soldats», a-t-elle dit.

Mme Harris parlait d’elle-même pour une rare fois. Comme c’est habituellement le cas pour un colistier, elle détourne souvent la conversation vers M. Biden pour illustrer clairement qu’il est le candidat qui demande à gouverner le pays, pas elle.

M. Biden et Mme Harris devraient répondre aux attaques du président en se concentrant sur leurs politiques, a dit Barbara Lee, une représentante démocrate de la Californie. D’autres peuvent riposter à M. Trump, comme l’ont récemment fait les femmes du caucus noir du Congrès.

«Il y a des gens dans notre pays qui doivent se faire entendre et dire que ce n’est pas américain, a-t-elle dit. On ne peut pas tolérer ça dans un pays multiracial.»