WASHINGTON — Le juge de la Cour suprême des États-Unis Clarence Thomas a accepté pendant plus de vingt ans des voyages de luxe presque chaque année de la part du mégadonateur républicain Harlan Crow, sans les dévoiler sur les formulaires de déclaration financière, affirme le site ProPublica.
Dans un long article publié jeudi, l’organisation de journalisme d’investigation à but non lucratif répertorie divers voyages effectués par M. Thomas à bord du yacht et du jet privé de M. Crow, ainsi que dans son centre de villégiature privé dans les Adirondacks. Selon ProPublica, un voyage en Indonésie en 2019 aurait pu coûter plus de 500 000 $ US si M. Thomas avait affrété lui-même l’avion et le yacht.
Les juges de la Cour suprême, comme les autres juges fédéraux, sont tenus de déposer un rapport annuel de déclaration financière qui leur demande de dresser la liste des cadeaux qu’ils ont reçus.
La raison pour laquelle M. Thomas a omis ces voyages n’est pas claire, mais selon un guide de politique judiciaire consulté par l’Associated Press, la nourriture, le logement ou les divertissements reçus en tant qu’«hospitalité personnelle d’un individu» ne doivent pas être déclarés s’ils ont lieu à la résidence personnelle de cet individu ou de sa famille. Cela dit, l’exception à la déclaration n’est pas censée s’appliquer au «transport qui se substitue au transport commercial» et aux biens appartenant à une entité.
Une porte-parole de la Cour suprême a accusé réception d’un courriel de l’AP demandant un commentaire à M. Thomas, mais n’a pas fourni d’informations supplémentaires. ProPublica a écrit que M. Thomas n’avait pas répondu à une liste détaillée de questions posées par l’organisation.
Le mois dernier, le système judiciaire fédéral a renforcé les exigences de divulgation pour tous les juges, y compris ceux du plus haut tribunal du pays, bien que les séjours dans des résidences de vacances personnelles appartenant à des amis restent exemptés de divulgation.
L’année dernière, des questions sur l’éthique de M. Thomas avaient été soulevées lorsqu’il a été révélé qu’il ne s’était pas désisté des affaires électorales après l’élection de 2020, malgré le fait que son épouse, l’activiste conservatrice Virginia Thomas, ait contacté des législateurs et la Maison-Blanche pour les exhorter à défier les résultats de l’élection.
Cette dernière histoire va probablement renforcer les appels à l’adoption par les juges d’un code d’éthique et à l’amélioration de la divulgation des voyages et autres cadeaux.
Dans une déclaration, M. Crow a expliqué à ProPublica que sa femme et lui étaient des amis de M. Thomas et de son épouse depuis 1996, soit cinq ans après l’entrée de M. Thomas à la Cour suprême. M. Crow a déclaré que «l’hospitalité que nous avons offerte aux Thomas au fil des ans n’est pas différente de celle que nous avons offerte à nos nombreux autres amis» et que le couple «n’a jamais demandé à bénéficier de cette hospitalité».
Il a ajouté qu’ils n’ont «jamais posé de questions sur une affaire judiciaire en cours ou inférieure, et le juge Thomas n’en a jamais discuté, et nous n’avons jamais cherché à influencer le juge Thomas sur quelque question juridique ou politique que ce soit».
L’article de ProPublica indique que le juge Thomas a passé des vacances dans le somptueux centre de villégiature Topridge de M. Crow pratiquement tous les étés depuis plus de vingt ans. Lors d’un voyage en 2017, les autres invités comprenaient des cadres de «Verizon et PricewaterhouseCoopers, d’importants donateurs républicains et l’un des dirigeants de l’American Enterprise Institute, un groupe de réflexion conservateur pro-entreprise», a rapporté ProPublica.
M. Crow a écrit qu’il n’était «pas au courant qu’un de nos amis ait fait du lobbying ou cherché à influencer le juge Thomas dans une affaire quelconque, et je n’inviterais jamais quelqu’un qui, selon moi, aurait l’intention de le faire».
La divulgation de ces voyages somptueux contraste avec ce que Thomas a dit au sujet de ses méthodes de voyage préférées. M. Thomas, qui a grandi dans la pauvreté en Géorgie, a déclaré qu’il aimait voyager dans son autocar et qu’il préférait «les parkings de Walmart aux plages».