HALIFAX — Un ex-policier de la GRC a raconté à la commission d’enquête sur la tuerie de 2020 en Nouvelle-Écosse qu’il était devenu tellement frustré d’essayer en vain d’amener la police fédérale à adopter un nouveau système d’alerte publique qu’il avait décidé de démissionner.
Mark Furey, qui a plus tard été ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, a déclaré à la commission qu’en 2012, alors qu’il était sergent d’état-major à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), il avait recommandé de commencer à utiliser le système national d’alertes publiques, qui à l’époque pouvait diffuser des alertes «intrusives» à la télévision et à la radio.
«Utilisées correctement, la disponibilité et l’application d’un (système d’alerte publique) en Nouvelle-Écosse pourraient être considérées comme un atout pour les corps policiers en réponse à des situations d’urgence, c’est-à-dire des incendies de forêt, des inondations, des événements météorologiques», soutenait M. Furey dans une note d’information à ses supérieurs.
Mais M. Furey a indiqué dans une déclaration soumise à la commission d’enquête, le mois dernier, que ses supérieurs avaient rejeté l’idée, après «de nombreuses et difficiles discussions». «Ils n’étaient pas favorables au concept», a déclaré M. Furey à l’enquête, dans une déclaration datée du 22 août dernier.
Cette décision a créé chez lui beaucoup de frustration, ce qui a joué un rôle, a-t-il dit, dans sa décision de prendre sa retraite plus tard cette année-là, au début de septembre 2012.
Après qu’un homme armé a tué 22 personnes lors d’une cavale meurtrière qui a duré plus de 13 heures, en avril 2020, la GRC a fait l’objet de vives critiques pour ne pas avoir utilisé le système d’alerte public d’urgence, maintenant connu sous le nom d’«En alerte». Ce système peut être utilisé pour lancer des avertissements publics intrusifs via la radio, la télévision et des appareils sans fil.
Des policiers de la GRC ont souvent répété que le système «En alerte» ne faisait pas partie de leur «boîte à outils» au moment de la tuerie en Nouvelle-Écosse, bien que la police fédérale préparait une telle alerte publique lorsque le tireur a été abattu par deux policiers le 19 avril 2020.
La recommandation de M. Furey de 2012 et son rejet ultérieur ont été discutés vendredi lors des audiences de la commission, lorsqu’on a demandé à l’un des officiers les plus hauts gradés de la GRC pourquoi la police avait rejeté cette idée.
Le sous-commissaire Brian Brennan, qui était en 2012 l’officier des opérations criminelles de la GRC en Nouvelle-Écosse, a déclaré qu’il ne faisait pas partie des discussions sur la proposition de M. Furey en 2012. Il se souvenait par contre des conversations sur la proposition, en termes d’investissement, de ressources, de formation et de conformité aux politiques.
«Nous n’avions tout simplement pas l’infrastructure, a-t-il plaidé dans son témoignage. Je ne pense tout simplement pas que toutes les pièces étaient en place.»
Plus tôt cette année, le directeur du Bureau de gestion des urgences de la Nouvelle-Écosse, Paul Mason, avait indiqué à la commission que la GRC n’avait pas envisagé d’utiliser «En alerte» les 18 et 19 avril 2020, jusqu’à ce que son organisation le suggère.
«En fin de compte, ça ne leur a pas traversé l’esprit, a déclaré M. Mason aux enquêteurs le 15 février. Je trouve ça étonnant qu’une affaire se déroule, disons, de 22 h 30 samedi soir jusqu’à 11 h 30 dimanche matin et que personne (à la GRC) n’ait songé à une alerte publique, jusqu’à ce qu’on les appelle.»
L’enquête a appris que la GRC s’appuyait largement sur Twitter pour lancer des avertissements publics sur ce qui se passait cette fin de semaine là en Nouvelle-Écosse. Mais des proches de victimes se sont plaints que les avertissements sur les réseaux sociaux étaient peu utiles aux résidants de zones rurales, où Twitter n’est pas si populaire.
Par ailleurs, des documents publiés par la commission ont confirmé que des officiers supérieurs de la GRC craignaient qu’une alerte publique à grande échelle ne mette en péril la vie des policiers, en créant une panique au sein de la population. La GRC a également suggéré que les répartiteurs du 911 auraient pu être submergés d’appels de gens qui souhaitaient obtenir des informations.