Catherine Fournier, victime de Harold LeBel, croyait qu’il allait plaider coupable

MONTRÉAL — La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, était convaincue que l’ex-député péquiste Harold LeBel allait plaider coupable lorsqu’il a été accusé de l’avoir agressée sexuellement en 2017. C’est finalement au terme d’un long processus judiciaire, qui s’est conclu par une condamnation, que la jeune femme se sent prête à raconter son histoire.

«Je pensais d’abord qu’il allait plaider coupable. J’avais toujours été convaincue de ça, tout au long de mes démarches», a révélé Mme Fournier mardi après-midi, quelques heures après qu’il a été révélé publiquement qu’elle était la victime de l’agression sexuelle commise par l’ex-député péquiste à l’automne 2017.

L’ordonnance qui interdisait le dévoilement de son identité a en effet été levée mardi matin, à sa demande, puisqu’elle racontera son parcours dans le système judiciaire dans un documentaire qui sera disponible dès mercredi sur la plateforme Vrai de Vidéotron.

Parcours qui, du propre aveu de Mme Fournier, a été beaucoup plus long que prévu.

«Première surprise: non coupable. On le savait déjà, parce que quand il a été arrêté, il avait exprimé que c’est ce qu’il allait plaider. Mais j’avais quand même espoir, on dirait, parce qu’il me semble que la personne que je connaissais aurait plaidé coupable.»

S’en est suivi un long processus, marqué de plusieurs reports, afin de déterminer une date pour le procès. Mme Fournier a d’ailleurs eu peur que celui-ci soit fixé pendant qu’elle faisait campagne pour être élue à la mairie de Longueuil — ce qui n’a pas été le cas.

C’est finalement l’automne dernier que Harold LeBel a été reconnu coupable par un jury à Rimouski. Le long délai entre le moment où elle a porté plainte et la tenue du procès a mis à rude épreuve la persévérance de Mme Fournier.

«C’est sûr qu’à travers tout ça, j’ai eu des doutes, a-t-elle avoué, notamment quand on était dans le cadre de la campagne municipale et quand il a choisi d’aller devant jury — ça, ça m’a complètement déstabilisée.

«Déjà, d’aller raconter cette histoire-là avec un juge… là d’aller devant un jury à Rimouski… ça m’a complètement découragée. Je me demandais comment je pouvais avoir une chance dans ce contexte-là.»

Mme Fournier a d’ailleurs reconnu avoir eu envie, par moments, de «tout lâcher», ce qui est plus facile à dire qu’à faire, selon elle, puisque la victime «est juste un témoin» qui s’inscrit dans le contexte plus large de la poursuite de la Couronne.

«C’était des montagnes ruses d’émotions, parce que dix minutes après, je me disais “ben non, je veux le faire, c’est important”, ne serait-ce que pour ne pas gaspiller des ressources publiques. Mais je vous avoue que des fois, ça ne me tentait plus du tout.»

Faire œuvre utile

Maintenant le processus judiciaire terminé, Catherine Fournier a l’intention de «transformer ces événements en quelque chose de positif».

Non sans hésitation, elle a accepté de témoigner de son histoire pour le documentaire «Témoin C.F.». 

Au terme d’un visionnement de presse du documentaire, mardi après-midi à Longueuil, Mme Fournier a expliqué le cheminement qui l’a menée à accepter de raconter son histoire devant les caméras.

Lorsque le journaliste Mathieu Carbasse l’a approchée pour commencer à faire germer l’idée de participer au documentaire, Mme Fournier s’est braquée. «Aucune chance que je fasse ça» a été sa première réaction.

«Finalement, on s’est parlé de vive voix, on est allé prendre un café, j’ai pris un petit peu de temps pour mijoter là-dessus. Puis finalement, j’ai décidé d’embarquer», a-t-elle raconté.

Il faut rappeler que, malgré l’ordonnance qui protégeait son identité, Mme Fournier avait déjà été identifiée comme étant la victime de son ex-collègue, notamment sur les réseaux sociaux.

Sans être la raison principale, Mme Fournier a reconnu que le fait que l’information circulait déjà dans le monde politique et la sphère médiatique a joué un rôle dans sa décision de participer au documentaire.

«J’ai une voix, je peux m’exprimer publiquement, je peux avoir une tribune, donc si ça peut contribuer à mieux protéger les victimes à l’avenir et à rendre la justice plus accessible en participant à vulgariser le processus judiciaire, j’aurai fait œuvre utile», s’est-elle dit.

Pas de consentement

L’agression sexuelle s’est produite à l’automne 2017, alors que Catherine Fournier était toujours députée du Parti québécois. Elle et une autre femme accompagnaient le député LeBel dans sa circonscription de Rimouski. Après une journée et une soirée consacrées à des activités militantes à Rimouski, les deux femmes s’étaient rendues au condo de LeBel pour y passer la nuit.

Durant son procès, LeBel avait affirmé n’avoir échangé qu’un baiser consensuel avec Mme Fournier avant d’aller se coucher à ses côtés dans le salon et de s’endormir aussitôt. L’autre femme dormait dans la chambre de LeBel.

Catherine Fournier, elle, avait au contraire témoigné à l’effet que le baiser en question n’était pas consensuel et que LeBel avait ensuite tenté de dégrafer son soutien-gorge pendant qu’elle allait se réfugier à la salle de bain, où il avait tenté de pénétrer, mais en vain.

Elle avait ensuite raconté qu’elle était allée se coucher et que l’accusé s’était étendu à ses côtés et s’était livré à des attouchements durant plusieurs heures alors qu’elle était pétrifiée de peur.

Un verdict rapide

À l’issue du procès, le jury n’avait mis que deux jours de délibérations avant de prononcer un verdict de culpabilité à son endroit, le 23 novembre, et Harold LeBel avait ensuite été condamné à huit mois d’emprisonnement.

Le 21 mars dernier, LeBel a obtenu une permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle. Celle-ci a été fixée au 16 avril. Il séjourne depuis cette date dans une maison de transition, où il s’est engagé à suivre des thérapies sur les problématiques d’ordre sexuel et de dépendance affective.

Malgré la lourdeur du processus, Catherine Fournier ne regrette rien.

«Je pense que tous les parcours sont valides. Moi, ça m’a pris deux ans et demi avant de décider d’aller porter plainte, mais j’ai pris cette voie-là et j’en sors la tête haute», a-t-elle assuré.

«Au-delà du verdict, je suis fière d’être passée au travers. J’ai été bien accompagnée, même si encore une fois, il peut y avoir certaines critiques constructives. Je considère que mon expérience a été positive. Mais chaque parcours est valide, puis c’est le choix de chaque personne victime de porter plainte ou pas, d’en parler ou pas.»

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