QUÉBEC — Tout indique que la guillotine va tomber dans les prochains jours, suspendant les règles de procédure de l’Assemblée nationale pour forcer l’adoption rapide des projets de loi 9, sur l’immigration, et 21, sur la laïcité de l’État.
Le premier ministre François Legault cache de plus en plus difficilement sa volonté d’en finir au plus tôt avec ces deux débats, pour passer enfin à autre chose.
Même si l’étude détaillée des deux projets de loi controversés se poursuit jusqu’à nouvel ordre, le premier ministre a déjà annoncé qu’il ferait le bilan de la session parlementaire vendredi à 13h30.
Si le gouvernement a recours au bâillon pour faire adopter dès maintenant ses deux législations, le premier ministre jettera le blâme sur l’opposition libérale, qui se livre, selon lui, à des manoeuvres d’obstruction parlementaire pour étirer indûment l’étude des projets de loi.
«Je ne pense pas, bien honnêtement, qu’une semaine de plus ou deux semaines ou deux mois de plus d’obstruction des libéraux ça va changer leurs conclusions» sur le contenu des législations, a commenté M. Legault, jeudi, en mêlée de presse.
Le leader parlementaire de l’opposition libérale, Sébastien Proulx, a soutenu quant à lui que rien ne justifiait à ce moment-ci un recours au bâillon, une mesure d’exception, selon les règles parlementaires.
«Un geste prématuré», a-t-il dit en mêlée de presse jeudi, faisant valoir que l’urgence de légiférer n’avait pas été démontrée. «Ce n’est pas acceptable», comme façon de procéder, selon lui.
Il souligne notamment que les articles du projet de loi 21 modifiant la Charte des droits de la personne n’ont toujours pas été abordés, après une trentaine d’heures d’étude. Si le gouvernement impose le bâillon, cela signifie que la modification aura été faite «sans discours, sans unanimité, sans discussion». Ce serait «une première», a déploré M. Proulx.
Le gouvernement «crée une crise autour des travaux parlementaires, là où il n’y en a pas», selon le leader parlementaire libéral, qui propose plutôt de rappeler la chambre à la mi-août pour poursuivre l’étude détaillée des deux projets de loi.
Il rappelle que le déroulement des travaux aurait pu être accéléré si les deux projets de loi en question n’étaient pas pilotés par le même ministre, Simon Jolin-Barrette.
Mais les critiques des libéraux ne font pas broncher le premier ministre sur la question de la laïcité de l’État, car il est important «pour la cohésion sociale, pour le vivre ensemble, qu’après 11 ans on passe à autre chose».
Il soutient que les gens l’arrêtent «dans la rue» pour l’exhorter à adopter le projet de loi 21 au plus tôt.
Continuer à discuter «ça donne quoi?», a ajouté le premier ministre, irrité par ce qu’il qualifie de «niaisage» des députés libéraux durant l’étude des législations.
M. Legault ne craint pas devoir payer un prix politique s’il opte pour les bâillons. Il soutient avoir la population de son côté: «On ne se trompe jamais quand on répond aux préoccupations des Québécois».
En Chambre, durant la période de questions, le chef de l’opposition officielle, le libéral Pierre Arcand, a déploré le fait que le gouvernement avait attendu à la dernière minute, il y a quelques jours, pour définir dans le projet de loi ce qu’est un «signe religieux».
Mais au lieu de clarifier l’intention du gouvernement, la définition n’a fait que semer la confusion, selon lui.
«La définition qu’il a présentée n’aide en rien à y voir plus clair. Elle est tellement large qu’elle donne lieu à des interprétations tout à fait arbitraires», a déploré M. Arcand.
«Je pense que tout le monde s’entend sur une chose: c’est le fouillis total dans ce projet de loi», selon lui.
Le chef libéral par intérim a aussi reproché au premier ministre d’avoir inclus une clause dérogatoire au projet de loi 21, en vue de le soustraire aux recours judiciaires.
«Pour invoquer une telle clause, il faut démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles», a-t-il observé.
Le premier ministre a répliqué en disant que le Parti libéral du Québec (PLQ) avait déjà été nationaliste, mais qu’il était devenu «multiculturaliste».
L’ex-premier ministre libéral «Robert Bourassa a déjà utilisé la clause dérogatoire. Mais on a un nouveau parti qui est multiculturaliste, qui protège ce multiculturalisme».
Le projet de loi 21 vise à interdire à plusieurs catégories d’employés de l’État (juges, policiers, gardiens de prison, directeurs d’école et enseignants du primaire et du secondaire du secteur public) de porter des signes religieux durant l’exercice de leurs fonctions.
Les employés actuels disposeront d’un droit acquis, tant qu’ils occuperont leur poste.