LAVAL — La musique est de retour dans les couloirs du centre de soins de longue durée Idola St-Jean.
La neige tourbillonnait devant les fenêtres de la résidence de Laval, un après-midi récent, alors qu’une chanteuse, portant un masque chirurgical et des lunettes de protection en plastique, se lançait dans une version de «Just the Way You Are» de Billy Joel. Bien que la majorité de son public de quatre ou cinq résidents en fauteuil roulant l’ont ignorée – plus occupés par des poupées ou un jeu – une femme a esquissé un grand sourire, fermé les yeux et écouté la musique.
Pendant une grande partie de la pandémie de COVID-19, des scènes comme celle-ci ne pouvaient pas se produire dans les foyers de soins de longue durée du Québec.
Il y a un an, le CHSLD Idola St-Jean était en proie à une importante éclosion de COVID-19, avec des dizaines de travailleurs et de résidents infectés. La plupart des activités avaient été annulées et l’interprète de la chanson de Billy Joel – qui est normalement coordinatrice des loisirs – a été réaffectée à un poste dans le contrôle des infections.
Maintenant, la vie dans le centre de soins de longue durée au nord de Montréal revient lentement à la normale, malgré la présence continue de la COVID-19.
Le Dr Olivier Haeck, responsable du contrôle des infections pour la Régie de la santé de Laval, affirme que la combinaison du taux de vaccination élevé chez les résidents des établissements de soins de longue durée et la prévalence d’une souche moins grave du coronavirus a rendu possible l’assouplissement des restrictions.
Dans une récente entrevue, il a déclaré que le taux de mortalité de la cinquième vague semble être environ 10 fois inférieur à celui de la première.
«(Dans les vagues précédentes), il n’était pas question d’assouplir les restrictions; c’était clair», a déclaré le Dr Haeck.
«Maintenant, nous avons vu que les gens n’étaient pas si malades – ils avaient peut-être un petit rhume, peut-être aucun symptôme.»
Véronique Boulanger, infirmière et spécialiste du contrôle des infections, ajoute qu’Idola St-Jean a eu deux décès dans la cinquième vague de COVID-19 sur 62 patients. Lors des éclosions précédentes, près de 50 % des résidents infectés étaient décédés.
Les contacts étroits des cas positifs sont généralement invités à s’isoler pendant 10 jours, mais ils peuvent être autorisés à quitter leur chambre après cinq s’ils acceptent la distanciation sociale. Lors des premières vagues, lorsqu’un test PCR négatif était requis, certains résidents sont restés isolés pendant des semaines. Les contacts éloignés, quant à eux, ne sont pas testés à moins qu’ils ne développent des symptômes.
La Presse Canadienne a été autorisée à visiter Idola St-Jean – dont deux salles avec des patients positifs à la COVID-19. Lors d’une visite guidée de l’établissement, Mme Boulanger a expliqué que l’autorité sanitaire travaille à trouver un équilibre entre le contrôle des infections et la qualité de vie.
La plupart des résidents ne portent pas de masque, a-t-elle dit, mais le personnel porte des N95, des lunettes de protection et, dans les ailes COVID-19, des vêtements de protection.
Dans une aile COVID-19, les résidents atteints de la maladie restaient dans leur chambre, mais avec la porte ouverte. Un homme, identifié par une pancarte à l’extérieur de sa porte comme étant positif à la COVID-19, était assis à une table, coloriant, apparemment indifférent au virus.
Une autre aile COVID-19, avec cinq cas, abritait des patients atteints de troubles cognitifs qui erraient. Bien qu’il soit presque impossible de faire respecter les règles sanitaires par cette clientèle, Mme Boulanger a déclaré que lors des vagues précédentes, des agents de sécurité et des bénévoles étaient postés à l’extérieur des chambres pour tenter d’inciter les résidents à rester sur place. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Si la vague Omicron n’a pas entraîné le même niveau de restrictions que les précédentes, elle a néanmoins causé des difficultés.
Lise Métras est une survivante, ayant déjà eu la COVID-19 au moins deux fois. Son dernier combat, ces dernières semaines, l’a privée de ses promenades dans le couloir et des visites de ses quatre enfants. «Maintenant, j’ai commencé à marcher; ma fille est venue me rendre visite et mon fils est venu, mais je trouve cela difficile», a déclaré la femme de 81 ans.
«Mais ce n’est pas qu’ici. Il y a beaucoup d’endroits où c’est comme ça, et c’est pour nous, pour notre sécurité.»
Mme Métras, qui portait une chemise rayée et avait les ongles peints rose vif, a convenu que plus d’activités sont disponibles maintenant que lors des vagues précédentes. Mais elle a dit qu’elle n’était pas intéressée par la socialisation ou les cours. Ce qu’elle veut, c’est pouvoir rendre visite à sa famille.
«Je veux sortir, voir mes petits-enfants et arrière-petits-enfants», a-t-elle dit.
Aujourd’hui, c’est la météo, et non les règles, qui l’en empêche. «Il y a toujours quelque chose», dit-elle. «Je trouve ça très difficile.»
Gisèle Lamarche, 94 ans, vit dans une aile sans COVID-19. Elle n’a pas trouvé la vie au centre trop difficile pendant la pandémie, mais elle a dit que les choses étaient plus animées maintenant avec la présence de plus de personnes qui mènent des activités comme le tricot et le bingo.
Mais comme pour Mme Métras, un retour à la normale passe par une sortie en famille, et pour cela, elle doit attendre des températures plus clémentes.
«J’ai quatre fils, et ils me poussent dans mon fauteuil roulant et m’emmènent au parc pour voir la verdure et les petits canards», a-t-elle raconté. «Ce sera agréable d’avoir de l’air frais.»