Fusillade dans une mosquée: la classe politique se serre les coudes

QUÉBEC – Dans une déclaration écrite, prononcée à parts égales en français et en anglais, le premier ministre Philippe Couillard a tenu lundi à rappeler que le Québec était et devait demeurer une terre d’accueil, au lendemain de la fusillade survenue dans une mosquée de Québec, qui a fait six morts et plusieurs blessés.

Sur un ton solennel, dans le hall de l’édifice Honoré-Mercier où il a ses bureaux, M. Couillard a lu sa déclaration bilingue, sans prendre de questions des journalistes.

Alors que tous les yeux de la planète sont tournés vers le Québec, il faut saisir l’occasion de montrer qui nous sommes, «de montrer le meilleur de nous-mêmes» et de le faire avec constance par la suite, a-t-il dit.

Car tous les Québécois ont le même «niveau de citoyenneté», une citoyenneté pleinement partagée entre tous, quelles que soient nos croyances ou la couleur de notre peau, a insisté le premier ministre, dans sa déclaration, qui a duré au total sept minutes.

Il a répété «avec force» le cri de ralliement qu’il avait lancé dimanche soir, peu après la fusillade: «Nous sommes tous Québécois».

Plus tôt, en point de presse, lundi matin, après s’être entretenu avec le maire de Québec, Régis Labeaume, et des leaders de la communauté musulmane de Québec, le premier ministre a rappelé que le Québec n’était pas à l’abri des attentats terroristes et qu’il fallait plus que jamais faire preuve d’ouverture et de tolérance.

«Que la paix soit avec vous!», a dit le premier ministre Couillard.

L’heure n’était pas à la partisanerie lundi, ni aux querelles politiques.

Le maire Labeaume a dit que toute la population, en guise de solidarité, devait être à l’écoute de la communauté musulmane et de ses besoins, durant ces moments tragiques, pour apaiser sa peine et sa douleur. «On se met au service de la communauté musulmane», a dit le maire.

Le ministre fédéral de la Famille, Jean-Yves Duclos, qui est également député de Québec, a insisté sur l’importance pour la société de traverser ensemble cette épreuve, en ajoutant que le temps viendrait plus tard de tirer les leçons de ce drame.

Aucun leader politique ne s’est hasardé à spéculer sur les motifs ayant incité l’auteur de l’attentat à commettre un crime d’une telle gravité, de surcroît dans un lieu de prière. Les six victimes sont des hommes de confession musulmane venus prier à la mosquée comme tous les dimanches. Ils étaient âgés entre 39 et 60 ans.

Le chef péquiste Jean-François Lisée a livré lui aussi un message d’unité et de compassion. Il a rappelé que les victimes avaient été abattues uniquement parce qu’elles s’étaient réunies pour exercer un droit fondamental, celui de pratiquer leur religion.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a refusé de s’étendre sur d’éventuelles causes de nature politique qui pourraient expliquer le drame. En point de presse, il a dit que c’était le jour des familles, qui avaient besoin de réconfort, et que les discussions politiques pourraient reprendre plus tard. Il a assuré son appui au gouvernement.

Le cofondateur du Centre islamique de Québec, Boufeldja Benabdallah, s’est dit très touché par l’élan de solidarité manifesté par les autorités politiques, municipales, provinciales et fédérales, depuis l’attentat survenu dimanche soir dans la mosquée de l’établissement.

Il a dit qu’il souhaitait que les forces de l’ordre viennent en aide au Centre qu’il dirige pour y renforcer les mesures de sécurité.

Le leader musulman a déploré le fait que certains membres de sa communauté «se sentent en marge de la société» québécoise.

Il a ajouté que le processus d’intégration est pourtant à ses yeux «très simple»: «ça prend des emplois pour que nos enfants se sentent des citoyens à part entière».

Dans une perspective plus large, M. Benabdallah a blâmé l’intolérance générale envers les immigrants et l’attrait pour les partis d’extrême droite palpable «à l’échelle planétaire», pour expliquer la fréquence de ces attentats.

Il a aussi rappelé que ce n’était pas la première fois que le Centre islamique de Québec était le théâtre de gestes de haine ou d’intolérance. Dans le passé, des graffitis affichant des croix gammées et des mots obscènes ont souillé les murs du centre. Puis, en juin dernier, une tête de porc avait été déposée à l’entrée de l’établissement, avec la mention «Bonne appétit» (sic), alors que les musulmans ne mangent pas de porc.