Goodale recommande des changements aux règles de l’aviation civile sur les enquêtes

OTTAWA — Le conseiller spécial du gouvernement canadien sur la destruction par l’Iran d’un avion de ligne ukrainien, en janvier dernier, recommande que les règles de l’aviation civile internationale soient modifiées pour permettre des enquêtes plus impartiales et crédibles sur les écrasements. 

Dans un long rapport publié mardi, l’ancien ministre libéral Ralph Goodale recommande également qu’une attention particulière soit accordée à ceux qui perdent des êtres chers dans de telles tragédies.

M. Goodale avait été nommé par le gouvernement à la suite de l’écrasement du vol PS752 du transporteur aérien Ukraine International, le 8 janvier. Le Boeing avait été abattu par des missiles tirés par les Gardiens de la révolution iraniens; les 176 personnes à bord, dont des dizaines de Canadiens, ont perdu la vie dans cette tragédie.

La cause exacte de la frappe de missiles sur l’avion civil n’a pas encore été établie; le Canada a fustigé Téhéran pour son retard de plusieurs mois dans la publication des enregistreurs de vol de l’appareil.

En vertu des règles de l’aviation civile internationale, c’est l’Iran qui mène l’enquête, puisque l’écrasement a eu lieu sur son territoire. Or, M. Goodale soutient que cette règle doit changer. «Il faut rappeler que dans le cas de l’immense majorité des enquêtes de sécurité aérienne, l’actuel système international à base de règles fonctionne bien et sert les fins prévues: faire la lumière sur ce qui s’est passé et améliorer la sécurité aérienne», écrit-il. 

«Cela dit, dans des circonstances semblables à celles de la catastrophe du vol PS752 – lorsque l’activité militaire est la cause –, l’expérience fait ressortir plusieurs problèmes graves.» Dans le cas d’un appareil abattu par l’armée, «le système actuel n’est pas adapté pour prendre en charge» l’enquête.

Conflits d’intérêts 

M. Goodale remet donc en cause la pratique actuelle consistant à confier les principales responsabilités de l’enquête au pays où la catastrophe a eu lieu.

«Dans le cas d’un avion abattu par l’armée, ça signifie que le même gouvernement associé à la survenance de la catastrophe (l’Iran en l’occurrence) a la pleine maîtrise de l’enquête sur la sécurité, malgré les conflits d’intérêts évidents, avec peu de garanties d’assurer l’indépendance, l’impartialité ou la légitimité», écrit l’ancien ministre de la Sécurité publique. 

«Cette situation mine la crédibilité de l’enquête et crée un sentiment d’impunité en ne répondant pas aux questions essentielles. L’aptitude de la communauté internationale à appliquer des mesures efficaces pour empêcher des catastrophes semblables est donc compromise.»

Parmi les personnes tuées figuraient 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents du Canada, ainsi que de nombreuses autres ayant des liens avec des universités canadiennes, en plus de ressortissants britanniques, ukrainiens, afghans et suédois.

M. Goodale avait aussi comme mandat de tendre la main aux familles et aux proches des victimes, qui estimaient que le gouvernement ne prenait pas leurs préoccupations assez au sérieux. Il recommande notamment un soutien solide et rapide des proches, pour leur fournir des informations en temps opportun, y compris un portail internet protégé par mot de passe dans le cadre d’un effort pour lutter contre la peur, l’incertitude et la désinformation.

«Les besoins des familles des victimes – tels que ces dernières les perçoivent – doivent être au cœur de l’intervention du Canada, écrit-il. Cette intervention doit être rapide, complète et généreuse, et elle doit être façonnée par les réalités de la situation (qui seront différentes dans tous les cas) et les souhaits des familles.»

Le premier ministre Justin Trudeau a salué le rapport de M. Goodale, affirmant qu’il souligne l’importance de prêter une attention particulière aux besoins des proches des victimes de tragédies aériennes.

«Il est absolument essentiel de déployer des efforts acharnés pour connaître la vérité sur ces événements», écrit M. Trudeau dans un communiqué, ajoutant que M. Goodale avait «posé des questions vitales» dans son travail. «L’Iran devrait y répondre de manière approfondie, avec des preuves à l’appui, afin d’établir la crédibilité de ses enquêtes et de convaincre la communauté de l’aviation civile internationale que l’espace aérien iranien est sûr.»