Hockey Canada devra revoir complètement sa culture et ses valeurs, selon des experts

Lorsque de nombreux commanditaires ont pris leurs distances avec Hockey Canada, au cours des dernières semaines, il est rapidement devenu clair que ceux-ci s’attendaient à beaucoup plus qu’à un changement des têtes dirigeantes.

La nécessité d’une réforme en profondeur — par le biais d’expressions telles que «changement culturel nécessaire» (Telus), «amélioration de la culture» (Banque Scotia) et «changement significatif» (Canadian Tire) — a été un fil conducteur dans de nombreuses explications des entreprises qui se sont éloignées de Hockey Canada après des mois de scandale concernant sa mauvaise gestion d’agressions sexuelles présumées.

Même si tout le conseil d’administration et le PDG de la fédération ont démissionné mardi, les entreprises concernées ont fait savoir qu’elles voudront voir des mesures concrètes être mises en place avant de revenir s’associer.

Cependant, modifier des attitudes et des comportements profondément ancrés n’est pas facile. Des experts préviennent que pour y arriver, il doit y avoir des changements du haut en bas de la pyramide, en plus d’une restructuration transparentede la gouvernance, des politiques et des directives.

Toute organisation doit reconnaître ses problèmes avant de pouvoir commencer à changer sa culture, selon Geoffrey Leonardelli, professeur de comportement organisationnel à l’École de gestion Rotman de l’Université de Toronto.

«Le changement de la culture d’une organisation commence par une insatisfaction à l’égard du statu quo, explique M. Leonardelli. Il faut que tout le monde soit motivé à l’idée de changer les choses.»

Les voix appelant à un tel changement de culture chez Hockey Canada se sont amplifiées la semaine dernière. En plus des principaux commanditaires et de certaines fédérations provinciales, le premier ministre est intervenu mardi.

Justin Trudeau a affirmé que les dirigeants ont mis trop de temps avant de partir et que leurs démissions ne sont qu’un «premier pas» vers la réelle transformation du sport.

«Il y a une culture à changer, a souligné M. Trudeau. Il y a énormément de travail à faire pour s’assurer que les structures et les systèmes que Hockey Canada a mis en place protègent les employés, les Canadiens et nos enfants lorsqu’ils jouent au hockey.»

Si Hockey Canada veut réussir son changement de cap, il faut que sa mission et ses valeurs soient clairement définies, croit M. Leonardelli.

«Vous devez développer une vision pour déterminer la direction que devra prendre l’organisation,puis identifier les moyens afind’y parvenir», souligne-t-il.

La «machine» du hockey

Au-delà des allégations qui ont suscité les manchettes, certains observateurs ont souligné les moyens plus insidieux par lesquels la culture du hockey a écarté les enfants de la glace. 

«Le hockey mineur au Canada est un peu devenu une machine», illustre Charlene Weaving, professeure du département des sciences de l’activité physique de l’Université Saint-Francis-Xavier, en Nouvelle-Écosse.

«Ça coûte très cher de jouer au hockey, ce qui exclut beaucoup de monde. C’est aussi devenu ultra-compétitif dès un très jeune âge, ce qui peut aussi décourager certains jeunes enfants de s’inscrire», ajoute-t-elle.

Le fabricant d’équipement Bauer a d’ailleurs souligné cette semaine que la baisse du nombre d’inscriptions était l’une de ses préoccupations majeures. L’entreprise a demandé à la fédération de se concentrer davantage sur l’accessibilité au sport, plutôt que sur les compétitions et les victoires pour ses équipes nationales.

Mme Weaving pense au moins que la nouvelle direction du conseil d’administration aura la possibilité d’inclure de nouvelles voix autour de la table et de renforcer l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de l’organisation.

«Il doit y avoir un grand remaniement à Hockey Canada et la solution n’est pas seulement d’inonder le conseil d’administration de femmes», nuance Mme Weaving.

«Nous avons besoin de voix plus diversifiées au sein du conseil d’administration, et ça inclut plus de femmes, mais aussi des personnes issues de la diversité culturelle.»