Jérémy Gabriel et sa mère poursuivent Mike Ward pour 372 600 $

MONTRÉAL — Jérémy Gabriel et sa mère reprennent le combat judiciaire contre Mike Ward.

Ils ont tous deux déposé des poursuites distinctes contre l’humoriste représentant un montant total de 372 600 $.

Jérémy Gabriel a ainsi déposé en Cour supérieure une demande introductive d’instance, réclamant 288 000 $ en dommages à Mike Ward. Sylvie Gabriel, de son côté, a déposé une requête similaire en Cour du Québec, chambre civile, pour la somme de 84 600 $.

Les poursuites avancent que tant Jérémy que sa mère ont subi des dommages importants à la suite du numéro d’humour dans lequel Mike Ward se moquait de l’enfant atteint du syndrome de Treacher Collins, une maladie congénitale caractérisée par des déformations du crâne et du visage. Jérémy Gabriel, alors adolescent, étudiait à l’école secondaire.

Le mauvais tribunal

En octobre dernier, Mike Ward remportait sa cause en Cour suprême, le plus haut tribunal jugeant que les propos de l’humoriste ne répondaient pas au critère de discrimination invoqué. Tout en reconnaissant que les propos de Mike Ward n’étaient guère édifiants, le jugement faisait valoir que l’on ne pouvait invoquer la discrimination au sens de la Charte des droits et libertés pour obtenir réparation dans un dossier de diffamation. 

En d’autres termes, la Cour suprême statuait ainsi que l’on avait fait appel au mauvais tribunal. La décision, toutefois, avait été difficile, quatre juges sur neuf exprimant leur dissidence. 

L’affaire avait initialement été portée devant le Tribunal des droits de la personne en 2015 et, en 2016, celui-ci avait condamné Mike Ward à verser 35 000 $ à Jérémy Gabriel et 7000 $ à sa mère. La Cour d’appel avait ensuite maintenu la décision pour Jérémy Gabriel, mais avait annulé le versement à sa mère.

Jérémy Gabriel et sa mère ont donc décidé de reprendre leur cause en utilisant, cette fois, des recours civils. 

Dommages

Dans les deux cas, les plaignants estiment que Mike Ward s’est attaqué à eux sciemment «avec l’intention de nuire» et a cherché «à les ridiculiser, à les humilier, à les exposer à la haine ou au mépris de son public», des attaques personnelles qui, selon eux, «ne sont aucunement justifiables en contexte de spectacle».

Ils affirment, tout comme ils l’avaient fait dans la démarche précédente, que les propos de Mike Ward ont amené Jérémy à ne plus vouloir sortir, chanter ou même exister durant deux ans. Ils ajoutent qu’à l’école, les autres élèves répétaient les blagues de l’humoriste et l’insultaient à répétition au point où l’adolescent a développé des idées suicidaires. 

Jérémy Gabriel affirme toujours subir les conséquences psychologiques de ces propos, ajoutant que ceux-ci ont nui à sa carrière et au développement de son talent.

De son côté, Sylvie Gabriel affirme avoir été «dévastée par les propos de monsieur Ward» et que ce dernier «est venu briser tout ce qu’elle a bâti avec son fils». Elle allègue souffrir d’insomnie, avoir «perdu confiance envers les gens» et dit prendre des antidépresseurs depuis 2012.

Elle dit également avoir été affectée par les insinuations de l’humoriste «selon lesquelles elle aurait tiré profit de son fils» et que des gens de son entourage «lui ont fait sentir qu’elle avait exploité son fils, alors qu’il n’en est rien». Elle souligne qu’elle «n’a ni chalet ni voiture sport, contrairement à ce que laisse savoir monsieur Ward».

«Abus de procédures»

En réaction, l’avocat de Mike Ward, Me Julius Grey, a déclaré à La Presse Canadienne qu’il entend demander le rejet de ces poursuites «surtout en raison du délai de prescription» qu’il estime dépassé, mais aussi parce qu’il entend plaider devant les deux tribunaux «qu’il s’agit d’un abus de procédures».

Le délai de prescription, soit la période de temps qui s’est écoulée entre le moment où les gestes reprochés ont été posés et la demande de réparation devant un tribunal, est largement dépassé selon Me Grey, qui a fait valoir que les événements ont eu lieu il y a «11 ou 12 ans».

«Leur argument est à l’effet que le délai de prescription a été suspendu pendant un certain temps lorsqu’ils se sont adressés à la Commission des droits de la personne, jusqu’à ce que la Commission rende une décision. Le délai, selon notre point de vue, est dépassé», a déclaré le juriste.

Quant à l’argument voulant que la Cour suprême leur ait dit qu’ils se sont adressés au mauvais tribunal, une décision qui, selon la loi, donne trois mois pour se présenter devant le bon tribunal, il répond que «la Cour suprême a dit qu’elle n’émettrait aucune opinion quant à la possibilité qu’il obtienne gain de cause. Il n’y a rien dans ce jugement qui dit qu’il s’agit bel et bien d’une cause de diffamation.»