WASHINGTON — Le monde libre se trouve à un «point d’inflexion» historique, ses valeurs et ses idéaux étant menacés tant au pays qu’à l’étranger, a déclaré jeudi le président américain Joe Biden, qui a fait valoir qu’il appartenait aux démocraties du monde entier de prouver que le meilleur moyen de résoudre les problèmes passe par un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
L’appel de M. Biden est intervenu au début de son Sommet pour la démocratie de deux jours, un rassemblement basé sur Zoom de responsables gouvernementaux, de chefs d’entreprise, de dirigeants syndicaux et de défenseurs de la société civile de plus de 100 pays à travers le monde.
«C’est le défi déterminant de notre époque», a déclaré le président, aux côtés du secrétaire d’État, Antony Blinken, et en face d’un écran rempli de visages de plus de 80 dirigeants mondiaux, dont le premier ministre Justin Trudeau.
«Oui, la démocratie est difficile – nous le savons tous. Cela fonctionne mieux avec le consensus et la coopération. Lorsque des personnes et des partis qui pourraient avoir des points de vue opposés s’assoient et trouvent des moyens de travailler ensemble, les choses commencent à avancer. Mais c’est la meilleure façon pour libérer le potentiel humain, défendre la dignité humaine et résoudre de sérieux problèmes», a ajouté M. Biden.
Malgré les nobles paroles – rien de moins que les principes fondateurs de la Déclaration d’indépendance sont en jeu, a suggéré M. Biden – le sommet a été accueilli au mieux avec un enthousiasme mitigé, et au pire, par des accusations de ne pas pratiquer ce qu’il prêche.
Certains critiques ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un modèle antidémocratique pour le sommet lui-même, dont l’ordre du jour et la liste des participants ont été établis à huis clos. Une grande partie des débats de jeudi matin – y compris les remarques de M. Trudeau – se sont aussi déroulés à huis clos.
Sur les 111 pays invités à participer, 37 d’entre eux «restreignent sévèrement» la capacité des personnes à s’organiser librement, à participer et à communiquer avec les structures politiques et sociales qui les entourent, selon l’alliance internationale de la société civile connue sous le nom de Civicus.
Sept nations participantes ont été rétrogradées dans le dernier indice de liberté annuel de Civicus, tandis que seulement cinq pour cent de la population représentée au sommet vit dans des pays — le Canada parmi eux — où les droits civiques et démocratiques sont pleinement protégés.
Civicus classe les États-Unis, d’autre part, comme «obstrués», en grande partie en raison de l’élargissement des limites aux droits de vote dans les États du sud, des efforts persistants pour restreindre l’accès à l’avortement, du traitement des manifestants et des tensions sociales persistantes liées à la COVID- 19.
Stand Up America, un groupe populaire progressiste fondé à la suite de la victoire électorale de Donald Trump en 2016, a rappelé jeudi à ses partisans que l’administration Biden n’avait pas encore adopté des projets de loi promis de longue date pour protéger les droits de vote aux États-Unis.
«Un an du mandat du président Biden est désormais passé et il n’a pas encore livré sur les droits de vote et la protection de notre démocratie, lit-on dans la missive. Une année de conférences de presse, de discours et d’appels Zoom ne représente pas grand-chose lorsque nos droits de vote sont érodés.»
Message renforcé par M. Trudeau
M. Trudeau a exhorté les dirigeants lors de la première session plénière du sommet à «travailler ensemble», selon un communiqué du bureau du premier ministre – les sessions n’étaient pas ouvertes aux médias.
«Ensemble, nous devons continuer de chercher à protéger nos institutions, à contrer la montée de l’autoritarisme et à protéger et diffuser les droits et libertés démocratiques afin de créer un monde plus sûr, plus stable et plus prospère pour les prochaines générations», a déclaré M. Trudeau.
Un communiqué de presse du bureau du premier ministre a détaillé une contribution de 5 millions $ au financement pour les droits de la personne aux Nations unies et de 3 millions $ à l’appui des programmes du département d’État pour les droits LGBTQ et religieux.
Selon le communiqué, M. Trudeau a également vanté le rôle de premier plan du Canada dans une déclaration internationale contre les détentions arbitraires, après l’emprisonnement pendant trois ans par la Chine des citoyens canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig en 2018.
Pour sa part, M. Biden a promis 424 millions $ US pour une stratégie mondiale de «renouveau démocratique», qui comprend le renforcement de la liberté des médias, la lutte contre la corruption et l’assurance d’élections libres et équitables.
L’initiative comprend 30 millions $ US pour améliorer la croissance des médias indépendants dans des endroits «à faibles ressources et fragiles», ainsi qu’un «fonds de défense contre la diffamation» de 9 millions $ pour aider à protéger le journalisme d’enquête dans le monde.
Il y a aussi plus de 75 millions $ pour une offensive à plusieurs volets visant à éliminer la corruption et le blanchiment d’argent, 155 millions $ pour soutenir la réforme démocratique à l’échelle mondiale, 85 millions $ pour favoriser des élections libres et 28 millions $ pour explorer et développer des moyens de tirer parti de la technologie afin de favoriser les idéaux démocratiques.
Des représentants du gouvernement, des chefs d’entreprise et des militants de plus de 110 pays participent à ce sommet, qui se déroule alors que la Russie et la Chine – deux des absences les plus remarquées de cette rencontre virtuelle – font entendre des bruits de bottes à la frontière de leur voisin respectif, l’Ukraine et Taïwan.
«Ils cherchent à accroître leur propre pouvoir, à exporter et à étendre leur influence dans le monde, et à justifier les politiques et pratiques répressives comme un moyen plus efficace de relever les défis d’aujourd’hui», a déclaré M. Biden, sans nommer personne. «C’est ainsi que (ce moyen) est vendu par des voix qui cherchent à attiser les flammes de la division sociale et de la polarisation politique.»
Kamala Harris évoque le 6 janvier
La vice-présidente Kamala Harris a clôturé les événements de la journée avec la seule reconnaissance publique directe de l’éléphant dans la pièce: l’assaut contre le Capitole américain en janvier dernier par des partisans de Donald Trump dans l’espoir d’empêcher la certification de la victoire électorale de M. Biden.
«Ici aux États-Unis, nous savons que notre démocratie n’est pas à l’abri des menaces. Le 6 janvier occupe une place importante dans notre conscience collective», a déclaré Mme Harris.
Elle a décrit les lois de réforme électorale dans des États comme «un effort intentionnel pour empêcher les Américains de participer à notre démocratie», a promis de redoubler d’efforts pour adopter une législation protégeant les droits de vote et a exhorté le Congrès à se joindre à ceux-ci.
Mme Harris a également souligné que les droits des peuples autochtones, des membres de la communauté LGBTQ, des personnes de couleur et des personnes handicapées sont intrinsèques à une démocratie saine. Et elle a souligné que les droits des femmes étaient particulièrement importants.
«Je crois fermement que le statut de la femme est le statut de la démocratie, a-t-elle déclaré. L’exclusion des femmes dans la prise de décision est un marqueur d’une démocratie défectueuse, et la pleine participation des femmes renforce la démocratie.»