John Lewis, l’un des héros du mouvement des droits civiques, est mort à 80 ans

WASHINGTON — Les gens ont tendu l’oreille de nombreuses fois aux propos du grand militant des droits civiques américain John Lewis, décédé vendredi à l’âge de 80 ans.

Mais à ses débuts, son auditoire ne prêtait que peu d’attention à celui qui ne rêvait que de devenir ministre du culte.

Fils d’un fermier de l’Alabama, l’enfant prêchait la justice morale… aux poulets qu’élevait la famille. Son implication dans la campagne menant à l’égalité des Noirs dans les années 1960, y a toutefois pris ses racines.

M. Lewis était le dernier survivant de six militants des droits civiques qui avait organisé la grande marche à Washington en 1963. Il s’était adressé à la foule avant que Martin Luther King ne prononce son célèbre discours «J’ai fait un rêve».

Mais le plus difficile était encore à venir pour lui. Deux ans plus tard, il subissait une fracture du crâne après avoir été matraqué par des soldats de la Garde nationale de l’Alabama lors d’une manifestation sur le pont Edmund-Pettus, à Selma.

Les images télévisées de cette brutalité ont galvanisé l’opposition nationale à l’oppression raciale et encouragé les politiciens fédéraux à adopter cinq mois plus tard la loi sur le droit de vote.

Élu à la Chambre des représentants des États-Unis en 1986, John Lewis a réussi à gagner le respect des élus des deux partis. Pour certains, il était la «conscience du Congrès». Mais au fil du temps, sa voix était moins entendue par les dirigeants démocrates du Congrès.

Et vint un jeune sénateur de l’Illinois qui voulait devenir président.

«Je lui ai dit que je me tenais sur ses épaules, a écrit l’ancien président Barack Obama. Quand j’ai été élu président des États-Unis, je l’ai embrassé sur l’estrade avant l’assermentation. Je lui ai dit que si j’étais là, c’était grâce aux sacrifices qu’il avait faits.»

M. Lewis est né le 21 février 1940, dans le comté de Pike en Alabama. Il a fréquenté un système scolaire rongé par la ségrégation. On lui avait refusé un abonnement à la bibliothèque parce qu’il était Noir. Cela ne l’a pas empêché de lire des livres et des journaux avec avidité. Encore à la fin de sa vie, il pouvait raconter des historiques obscurs.

Il était adolescent lorsqu’il a entendu le révérend King pour la première fois prêcher à la radio. Ils se sont rencontrés après que M. Lewis lui eut écrit pour lui demander de l’aide afin de devenir le premier étudiant noir de son collège local. Il a finalement fréquenté l’American Baptist Theological Seminary et l’Université Fisk à Nashville, au Tennessee.

Le président Jimmy Carter a nommé Lewis à la tête d’ACTION, un organisme fédéral, en 1977. Quatre ans plus tard, il a été élu au conseil municipal d’Atlanta, puis a remporté un siège au Congrès en 1986.

John Lewis a refusé d’assister à l’investiture de Donald Trump, affirmant qu’il ne le considérait pas comme un «président légitime» parce que, selon lui, les Russes avaient conspiré pour le faire élire. Quand M. Trump s’est plaint des immigrants provenant de «pays de merde», le représentant l’a accusé d’être raciste.

Samedi, M. Trump a ordonné que les drapeaux soient placés en berne à la Maison-Blanche et sur tous les immeubles et terrains fédéraux.

«Triste d’entendre la nouvelle du décès du héros des droits civiques John Lewis. Melania et moi envoyons nos prières à lui et à sa famille», a écrit le président sur Twitter.

John Lewis a annoncé à la fin de décembre 2019 qu’il avait reçu un diagnostic de cancer du pancréas avancé.

«Je n’ai jamais affronté un combat comme celui que je mène actuellement», avait-il alors dit.