MONTRÉAL — Les attaques acerbes lancées la veille pendant et après le premier débat des chefs ont continué de faire réagir, vendredi, alors que la campagne entre dans sa seconde moitié.
Dans une mêlée de presse en matinée à Montréal, le chef caquiste François Legault a réitéré que le plan environnemental des autres partis était irréaliste.
«Quand j’entends les partis politiques dire: « Moi je renie l’héritage de Robert Bourassa, je veux rien savoir des barrages » parce qu’il y a des gens qui sont contre l’harnachement des rivières. […] Est-ce qu’ils veulent du nucléaire? Est-ce qu’ils veulent du pétrole? Est-ce qu’ils veulent du gaz?», a-t-il souligné.
Il faudra 100 térawatts-heures de nouvelle électricité pour sortir le Québec de sa dépendance aux hydrocarbures et ce sera impossible de les produire sans barrage, selon le chef caquiste. Une capacité supplémentaire de 100 térawatts-heures, c’est plus de la moitié de toute la capacité actuelle d’Hydro-Québec, évaluée à 176 térawatts-heures.
Accusant le premier ministre sortant d’avoir «détourné» le programme de Québec solidaire au débat de TVA, le chef Gabriel Nadeau-Dubois a réitéré vendredi matin que M. Legault manquait d’ambition, et avait une vision «des années 1990».
Après le débat, M. Legault avait été particulièrement sévère à l’égard du Parti libéral, qui selon lui «n’a plus de raison d’exister».
«Plus que jamais», le Québec a besoin du Parti libéral, a insisté la cheffe Dominique Anglade.
«Hier (jeudi), ce qu’on a vu, c’est un premier ministre qui est dépassé. […] Ce qu’on offre aux Québécois, c’est non seulement une véritable alternative d’un point de vue économique, mais également de l’inclusion.»
Mme Anglade a elle aussi été la cible de plusieurs attaques au débat, dont celles de M. Nadeau-Dubois, qui a critiqué plusieurs fois son bilan en tant que cheffe de l’opposition.
«Dominique Anglade n’a pas été une cheffe de l’opposition efficace dans les quatre dernières années», a martelé en point de presse le chef solidaire.
«M. Gabriel Nadeau-Dubois veut rester dans l’opposition; moi, j’aspire à remplacer François Legault», a répondu Mme Anglade par médias interposés, vendredi.
Selon elle, les Québécois devraient éviter d’appuyer le parti de M. Nadeau-Dubois à cause de «toute la question des taxes qu’il demande aux citoyens».
Troisième lien: aucune étude
De son côté, comme il l’a fait au débat, le chef conservateur Éric Duhaime a encore tapé sur le clou du troisième lien et a répété que M. Legault «cachait les études» sur le sujet.
«C’est un vent, leur affaire. Ils proposent n’importe quoi», a-t-il pesté.
M. Legault a admis vendredi qu’il n’existe aucune étude actuellement sur le «troisième lien», le projet de tunnel à quatre voies entre Québec et Lévis.
Les seules études qui existent actuellement portent sur le projet qu’avait envisagé le précédent gouvernement libéral, mais elles ne sont plus à jour. Le gouvernement caquiste ne les a toujours pas rendues publiques.
«Ces études ne parlaient pas d’un tunnel quatre voies de centre-ville (de Québec) à centre-ville (de Lévis)», comme le projet caquiste actuel, a justifié M. Legault.
Il a dit avoir commandé des études qui devraient être disponibles dans la prochaine année.
Sommet de l’UMQ
Les cinq chefs partageaient encore la même salle vendredi puisqu’ils participaient tous au sommet de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), où les maires des villes les attendaient de pied ferme.
Le président de l’UMQ, Daniel Côté, a fait valoir que les municipalités avaient besoin de plus de financement en raison de l’inflation.
«Le carburant coûte plus cher, l’asphalte coûte plus cher, le béton coûte plus cher, les services aussi comme le déneigement, la collecte des matières résiduelles», a-t-il soutenu en point de presse.
Pour les élus municipaux, l’inflation se traduira par un manque à gagner de 1 milliard $ dès 2022 et l’adaptation aux changements climatiques entraînera des dépenses annuelles de 2 milliards $, selon les études des experts dans le domaine.
Or, ces élus ont entendu le premier ministre sortant François Legault souffler le chaud et le froid, vendredi.
«Si, demain matin, je donnais 2 milliards $ par année de plus aux municipalités, il faudrait que j’augmente les impôts sur le revenu de 2 milliards $. C’est toujours le même contribuable et, avec l’inflation, c’est sûrement pas le temps de mettre des (nouvelles) taxes», a affirmé M. Legault.
M. Côté s’est pourtant félicité à l’issue du sommet d’avoir obtenu des engagements clairs des chefs de parti sur les deux priorités urgentes de ses membres. Il a toutefois dû admettre que ce cahier de demandes «n’était pas nécessairement dans leurs cadres financiers».
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a été le seul à se dire prêt à allonger la somme réclamée pour l’adaptation aux changements climatiques. Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire (QS), a fait part de son ouverture au pacte vert réclamé par l’UMQ, sans s’avancer sur son financement, affirmant que cela devait s’inscrire dans une révision complète de la fiscalité municipale.
La cheffe libérale Dominique Anglade a suivi la même voie, se disant ouverte à un pacte vert. «Quand on va revoir toute la question de la fiscalité, il va falloir qu’on inclue cette discussion-là.»
Bien qu’il se soit dit ouvert à discuter du plan vert municipal, pour le chef conservateur Éric Duhaime, tout financement éventuel proviendrait de l’exploitation des hydrocarbures, comme pour l’ensemble de ses initiatives de transition énergétique. «Si on a des revenus supplémentaires qu’on est capable de générer, on pourra dialoguer, s’asseoir et dialoguer», a-t-il dit.
Concernant le transport interurbain, un autre enjeu cher à l’UMQ, Québec solidaire veut mettre sur pied cinq lignes de train électrique et 11 lignes d’autobus avec un investissement initial de 12,7 milliards $ d’ici 2030, s’il forme le prochain gouvernement. Deux organismes publics seraient créés pour exploiter ces lignes, Québec-Rail et Québec-Bus.
Rassemblement conservateur
Un grand rassemblement militant conservateur se tenait par ailleurs vendredi soir à Québec, pour lequel les membres devaient débourser 500 $.
L’entourage du chef du Parti conservateur du Québec était convaincu qu’il s’agissait là d’une demande aux membres tout à fait censée et raisonnable, avant que M. Duhaime n’intervienne personnellement, jugeant la somme excessive. Le prix d’entrée VIP demandé aux membres a donc été ramené à 50 $.
La demande d’un prix d’entrée (même de 500 $) pour participer à une activité partisane en campagne électorale n’est pas illégale, a confirmé vendredi le bureau du Directeur général des élections, pourvu que les sommes recueillies servent bel et bien à financer l’activité comme telle et non à financer le parti.
C’est à une démonstration de force que M. Duhaime s’est livrée, vendredi soir, à Québec, en organisant le plus important rassemblement militant de la campagne électorale, tous partis confondus.
Le grand hall du Centre Vidéotron, qui peut accueillir 2000 personnes, était plein à craquer, abritant une foule survoltée et bruyante.