WASHINGTON — Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré mercredi qu’il profitera de sa rencontre avec le président Joe Biden pour souligner que les deux partenaires ont intérêt à maintenir la fluidité des marchandises à la frontière, notamment pour un approvisionnement sûr en «minéraux critiques» canadiens.
M. Trudeau a plaidé que lorsque les chaînes d’approvisionnement du monde entier font face à des pénuries à cause de la COVID-19 et que les gens se demandent comment ils vont acquérir les biens dont ils ont besoin, les États-Unis «ont tout avantage» à compter sur leur ami le plus proche.
Le premier ministre a fait ces remarques lors d’une séance de questions-réponses organisée par le Wilson Center, à Washington. M. Trudeau est arrivé mercredi dans la capitale américaine pour deux jours de rencontres avec des responsables politiques, mais surtout pour le sommet des «Trois Amigos», jeudi, avec M. Biden et le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador.
M. Trudeau a déclaré à l’auditoire du Wilson Center que son gouvernement avait commencé à discuter avec les États-Unis il y a deux ou trois ans de l’approvisionnement abondant du Canada en minéraux critiques, qui sont utilisés dans les batteries d’ordinateurs, de téléphones portables, de véhicules électriques et d’autres articles essentiels.
Le premier ministre a soutenu que le Canada ne pouvait certes pas rivaliser avec certains pays en ce qui concerne le faible coût de production de ces minéraux, parce que ces pays «ne se soucient pas» de l’environnement ou des normes du travail. Mais il a plaidé que le Canada, par contre, représente une source plus fiable d’approvisionnement.
La Chine est le premier fournisseur mondial de ces minéraux critiques et les goulots d’étranglement liés à la pandémie ont créé d’importantes pénuries dans le monde.
«Vendre» la tarification du carbone
Le premier ministre a également déclaré que le changement climatique serait au coeur de ses discussions avec les présidents Biden et Lopez Obrador, rappelant au passage que son gouvernement avait pu remporter deux élections même s’il avait mis en place une tarification du carbone — un régime nécessaire à l’échelle mondiale, selon M. Trudeau.
La vice-première ministre, Chrystia Freeland, la ministre du Commerce international, Mary Ng, et le nouveau ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, ont rejoint M. Trudeau sur scène lors de l’événement au Wilson Center. Mme Freeland a convenu avec M. Trudeau que le monde devrait éviter un «nivellement par le bas» en ce qui concerne les normes du travail.
M. Trudeau a été par ailleurs interrogé sur la façon dont il protégerait les intérêts des premiers peuples tout en accélérant l’extraction de minéraux critiques. Le premier ministre n’a pas répondu directement, mais il a déclaré que son gouvernement investissait dans de nombreux secteurs pour faire progresser la réconciliation avec les Autochtones, notamment en s’efforçant de lever les avis d’ébullition d’eau et de réduire le nombre d’enfants placés en famille d’accueil.
«Il y a énormément de travail à faire», a-t-il déclaré, admettant que le rythme du changement était «trop lent», mais qu’il devait être fait dans le cadre d’un partenariat respectueux — ce qui prend toujours un peu plus de temps, a-t-il dit.
Les tests PCR aux frontières
M. Trudeau fait aussi face à une pression croissante pour s’attaquer aux restrictions sanitaires canadiennes aux frontières, qui ne sont pas toujours alignées avec celles de ses homologues nord-américains.
Lundi, quatre sénateurs américains des deux partis ont écrit à la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, pour demander au Canada d’aligner ses restrictions avec les règles américaines, en particulier en ce qui concerne l’exigence du Canada d’un test moléculaire (PCR) négatif pour les voyageurs entrants.
Les chefs d’entreprise et les responsables du tourisme au Canada ont repris essentiellement le même message, mercredi, lors d’une conférence de presse à Ottawa.
Les autorités gouvernementales canadiennes ont promis une annonce sur les tests à la frontière dans les prochains jours, bien que le gouvernement ne devrait pas supprimer complètement cette mesure. Au contraire, Ottawa devrait plutôt l’éliminer progressivement, en commençant par l’exigence de test pour les personnes qui sont à l’extérieur du pays pendant moins de 72 heures.
«La question à laquelle le gouvernement devra répondre est: comment êtes-vous en sécurité à la 72e heure et vous devenez tout à coup dangereux à la 73e? Quelle est la logique dans tout cela?», a demandé mercredi Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada.
Le premier ministre Trudeau et Mme Freeland sont arrivés mercredi matin à la base aérienne d’Andrews, dans le Maryland voisin. M. Trudeau devait ensuite passer la majeure partie de la journée à rencontrer des membres du Congrès, avant d’assister en soirée à un gala organisé par le Conseil canado-américain des affaires.
Avant de rencontrer le premier ministre, mercredi, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, l’a salué pour son «rôle de leadership» dans le monde entier en matière de lutte contre la crise climatique et la COVID-19.
Jeudi matin, le premier ministre doit participer à un événement dans une école intermédiaire en compagnie de la vice-présidente américaine, Kamala Harris. Il aura ensuite des entretiens bilatéraux avec le président López Obrador et le président Biden. Les trois leaders se rencontreront ensuite ensemble à la Maison-Blanche, en fin d’après-midi.
Mélanie Joly en éclaireuse
Ce sommet marque la première visite de M. Trudeau dans la capitale américaine depuis le début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020. Il s’agit aussi de la première réunion des «Trois Amigos» depuis 2016 — le président Donald Trump, une fois élu, avait rompu avec cette «tradition» plutôt récente.
Avant la rencontre entre les trois leaders, jeudi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avait rencontré mardi son homologue mexicain, Marcelo Ebrard. Les deux ministres ont notamment discuté des développements récents en Amérique centrale et en Amérique du Sud, «dont la situation au Nicaragua et l’évolution préoccupante de la situation en Haïti, ainsi que la situation au Venezuela», indique un communiqué des Affaires étrangères.
Mme Joly a également soulevé les inquiétudes exprimées par les investisseurs canadiens dans les secteurs des mines et de l’énergie au sujet des changements proposés dans le secteur de l’énergie du Mexique, qui ont alimenté les craintes d’une poussée vers la nationalisation.
La ministre Joly «a affirmé que le Canada espère collaborer avec le Mexique pour résoudre ce problème et a souligné la nécessité de rassurer les investisseurs canadiens qui mènent des activités au Mexique», indique le compte rendu du ministère.