Justin Trudeau se dit ouvert aux caméras corporelles dans la police

Le premier ministre a indiqué qu’il en discutera avec les premiers ministres des provinces et des territoires, jeudi, lors de leur appel hebdomadaire.

OTTAWA — Justin Trudeau s’est dit ouvert à l’idée d’équiper les corps policiers de caméras corporelles, entre autres mesures pour lutter contre le profilage racial et la brutalité policière.

Lors de son point de presse quotidien lundi, le premier ministre a indiqué qu’il en avait parlé à la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Brenda Lucki, plus tôt en matinée, et qu’il en discutera avec les premiers ministres des provinces et des territoires, jeudi, lors de leur appel hebdomadaire.

Le premier ministre du Québec, François Legault, n’a pas exclu cette voie, lundi. «Il faut trouver des façons, il faut consulter, il faut peser les pour et les contre, mais il ne faut rien exclure», a-t-il dit en point de presse.

Interrogé par ailleurs sur le «définancement» des corps policiers pour réallouer des sommes à la prévention et l’amélioration des conditions socioéconomiques des citoyens les plus vulnérables, le premier ministre Trudeau est demeuré évasif, lundi.

«Je pense que les gens s’attendent à ce qu’on revise constamment les budgets et les dépenses pour s’assurer qu’on est en train d’investir dans les bonnes choses, qu’on est en train de financer les bons programmes, les bons outils pour garder tous les Canadiens en sécurité, a-t-il répondu. C’est quelque chose que nous allons continuer de faire.»

Déshabiller Pierre…

Andrew Scheer affirmait lundi que la suppression d’une partie du financement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en raison d’allégations de racisme et de brutalité policière ne va pas augmenter le niveau de sécurité des Canadiens. Le chef conservateur soutient que la GRC et les autres corps policiers doivent en faire plus pour éliminer le racisme systémique, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille leur retirer du financement.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’est pas très chaud lui non plus à l’idée de «définancer» les corps policiers pour augmenter les ressources communautaires. «J’estime qu’on devrait allouer plus de ressources pour venir en aide aux plus démunis, de toutes les façons, a-t-il répondu en anglais, lundi. Mais on a toujours besoin de la police. Ajouter des ressources pour lutter contre le racisme, c’est une chose; réduire les ressources (de la police), c’en est une autre, car certaines communautés pourraient être encore plus vulnérables.»

Les chefs de partis ont été appelés lundi à commenter plusieurs incidents à travers le pays, notamment des allégations de brutalité policière de la part d’un chef autochtone de l’Alberta et le meurtre par balle d’une Autochtone de 26 ans de la Colombie-Britannique à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, lors d’une intervention policière.

Le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, un ancien chef de la police de Toronto, a affirmé sur Twitter que le gouvernement était «profondément préoccupé» par les allégations faites samedi par Allan Adam, chef des Athabasca Chipewyan. Mais M. Scheer soutient que ce gouvernement est hypocrite car M. Blair était le chef de la police de Toronto lorsque la pratique controversée du «fichage» était en vigueur dans la métropole canadienne.

Les manifestations

Des milliers de manifestants sont revenus dimanche dans les rues de Montréal pour dénoncer le racisme systémique et la brutalité policière, à l’image d’autres villes au Canada et dans le monde en fin de semaine.

M. Scheer a d’ailleurs dénoncé lundi la présence de M. Trudeau à la manifestation d’Ottawa, vendredi, alors que de nombreux Canadiens sont confinés depuis des mois. Le chef de l’opposition officielle a estimé que le premier ministre avait miné les messages de santé publique de son propre gouvernement. «Je peux comprendre pourquoi les gens sont confus quant aux consignes à suivre», a déclaré M. Scheer.

Le premier ministre Trudeau a expliqué lundi que sa décision d’assister à la manifestation de vendredi était une affaire d’équilibre entre des arguments concurrents mais importants. Il a indiqué lundi qu’en voyant manifester les citoyens depuis les fenêtres de son bureau au centre-ville d’Ottawa, il avait estimé important d’indiquer clairement qu’il était à l’écoute de leurs préoccupations.

Le premier ministre a déclaré qu’il avait fait de son mieux pour respecter les consignes, notamment en portant un masque et en respectant la distanciation physique, lorsque cela était possible.

Le chef du Bloc a qualifié de «discutable» la pertinence de cette apparition, considérant les risques de tels rassemblements pour la santé publique. «Il y a des cas qui me semblent plus imprudents que d’autres, a-t-il dit. Le premier ministre a la tribune la plus extraordinaire au Canada pour exprimer son indignation. Aller faire des photos dans une manifestation à genoux, est-ce que c’est nécessaire quand tu es premier ministre du Canada? Bon, c’est une bonne vieille habitude, mais la pertinence est discutable.»

Lorsqu’on lui fait remarquer qu’un premier ministre peut poser un geste symbolique pour frapper l’imagination — comme son silence de 21 secondes sur la gestion de Donald Trump ou son genou à terre vendredi —, M. Blanchet est sceptique. «Ce n’est que des symboles! Ce premier ministre vit de symboles, se nourrit de symboles, distribue les symboles, partage les symboles. Mais quand vient le temps de mettre en oeuvre les recommandations d’un rapport qui devraient lutter contre la discrimination, il est aux abonnés absents», a-t-il dit.