OTTAWA – Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a révélé que le niveau national de la menace terroriste n’avait pas bougé depuis la fusillade survenue dimanche soir dans une mosquée de Québec.
En point de presse au foyer de la Chambre des communes, lundi après-midi, M. Goodale est resté avare de commentaires sur les motifs du suspect étant donné que l’enquête en est encore à ses débuts.
Mais il a tenu à souligner que les «loups solitaires» et les assaillants qui s’inspirent d’autres étaient les plus difficiles à cerner puisqu’ils sont souvent imprévisibles.
M. Goodale n’a pas avancé de conclusion sur l’événement comme l’a fait le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, qui a affirmé en point de presse que le drame de Québec démontrait la nécessité «de demeurer vigilant et proactif, plutôt que réactif».
Le ministre Goodale a indiqué que l’analyse des Américains leur appartenait, mais du point de vue des Canadiens, il est encore trop tôt pour fournir des explications, a-t-il dit.
Plus tôt dans la journée, le premier ministre et les chefs de l’opposition ont pris le temps de revenir sur les événements à la Chambre des communes.
Justin Trudeau a tenu à rassurer les Canadiens de confession musulmane, dont la communauté a été touchée en plein coeur, en leur rappelant qu’ils apportaient au Canada une «contribution inestimable».
«Trente-six millions de Canadiens ont aussi le coeur brisé. Je veux que ces gens sachent que nous tenons à eux», a déclaré le premier ministre.
«Ils sont ici chez eux», a-t-il ajouté.
M. Trudeau a affirmé qu’il fallait répondre à la peur et la haine par «l’amour et la compassion, toujours».
«Nous porterons le deuil de cette attaque dévastatrice, puis nous prendrons le chemin de la guérison ensemble, en tant que communauté, pays et famille. Les Canadiens ne vont pas se laisser intimider. Nous n’allons pas répondre à la violence par la violence», a-t-il ajouté.
Les autres chefs de parti ont aussi propagé ce message de solidarité et d’unité, mais la chef intérimaire Parti conservateur, Rona Ambrose, a tenu à rappeler que le Canada devait rester vigilant face au terrorisme.
Dans son allocution, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a jugé inacceptable le fait que plusieurs fidèles ne se sentent pas en sécurité dans les lieux de culte.
«Ce n’est pas le Canada auquel nous croyons et ce n’est pas le genre de société dans laquelle nous souhaitons vivre», a-t-il soutenu.
Le chef intérimaire du Bloc québécois, Rhéal Fortin, et la chef du Parti vert, Elizabeth May, ont tous deux signifié dans leur discours que l’heure était maintenant au deuil, mais qu’il faudrait bientôt travailler et trouver des solutions.
Le premier ministre Trudeau participera lundi soir à une vigile à l’église Notre-Dame-de-Foy, à Québec, en compagnie des quatre autres chefs de partis. Des rassemblements sont prévus aux quatre coins du pays, dont à Ottawa, où sera présent le gouverneur général du Canada, David Johnston.
Prudence sur les causes du drame
Les élus fédéraux sont restés prudents en évoquant les causes de la fusillade. Dimanche soir, le député de Québec solidaire Amir Khadir avait donné le ton en écrivant sur les réseaux sociaux qu’il tenait en partie responsable «un président des États-Unis islamophobe».
«C’est troublant de voir qu’il y a une montée de l’intolérance dans différents endroits du monde et puis c’est d’autant plus important pour nous au Canada de soutenir nos valeurs d’inclusion, d’expliquer aux gens pourquoi c’est si important de cohabiter dans la paix», a suggéré la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau.
«C’est ma ville natale et puis de voir un incident comme ça se produire, cet acte de violence, je ne spéculerai pas sur la raison d’être», a renchéri le ministre des Transports, Marc Garneau.
Le député libéral Michel Picard, qui est natif de Québec, a pour sa part affirmé qu’il s’agissait d’un «geste reprochable» peu importe l’endroit et peu importe par qui.
La députée conservatrice Sylvie Boucher a suggéré pour sa part que les vraies raisons d’une telle tragédie étaient «inexplicables».
«Ce qui vient d’arriver à Québec, il faudra se tenir debout ensemble, et essayer de comprendre d’abord et avant tout avant de juger», a-t-elle ajouté.
Les néo-démocrates ont refusé de tracer un lien entre les décisions du président américain Donald Trump sur l’immigration et le drame.
En point de presse, le député de Rosemont, Alexandre Boulerice, a souligné qu’une enquête était en cours et qu’on ne connaissait pas encore les motifs de l’individu suspecté.
Le député conservateur Deepak Obhrai est toutefois allé plus loin que ses collègues en disant que ces deux événements «ne pouvaient pas être isolés».
Selon lui, il y a certainement un lien et cela démontre «que le sentiment antimusulman» est arrivé au Canada.
Appel de Donald Trump
Le bureau du premier ministre a annoncé que M. Trudeau avait reçu l’appel de M. Trump, qui lui a offert ses condoléances et «toute l’aide jugée nécessaire».
Le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a d’ailleurs commencé son point de presse, lundi, en évoquant la tragédie à Québec.
M. Spicer a dit que Justin Trudeau avait beaucoup apprécié l’appel du président américain et que les deux dirigeants s’étaient entendus sur le fait qu’il ne fallait pas tirer de conclusions hâtives sur l’événement.