OTTAWA — Google a fait une «terrible erreur», selon le premier ministre Justin Trudeau, en empêchant certains Canadiens d’accéder à du contenu journalistique par l’entremise de sa plateforme.
Au cours d’un point de presse à Toronto, vendredi, ce dernier n’a pas mâché ses mots à l’encontre du géant du web.
«Je pense que c’est extrêmement surprenant que Google préfère empêcher les Canadiens d’accéder aux nouvelles plutôt que de vouloir payer les journalistes pour le travail qu’ils font en tant que professionnels. C’est vraiment désolant», a-t-il lancé.
M. Trudeau a tenu ces propos à la fin d’une période de sa conférence de presse destinée à répondre aux questions des journalistes. Aucun représentant des médias ne l’a interpellé sur le sujet de la nouvelle initiative de Google, mais le premier ministre a tenu à aborder la question en mentionnant que celle-ci le dérange.
Mercredi, un porte-parole de la plateforme numérique a confirmé que la société américaine limite l’accès au contenu d’actualités en ligne à moins de 4 % de ses utilisateurs canadiens. L’entreprise a fait savoir qu’il s’agissait de tests qui sont menés durant cinq semaines et qui touchent plusieurs de ses produits, comme son moteur de recherche populaire et la fonction Découvertes sur les appareils Android qui diffusent des nouvelles et des reportages sportifs.
Cela se veut une réponse au projet de loi C-18 du gouvernement Trudeau visant à forcer les géants du web tels que Google et Meta – la société mère de Facebook – de négocier avec les médias canadiens pour conclure des accords de compensation pour la republication de leur contenu journalistique.
«Nous testons brièvement les réponses potentielles des produits au projet de loi C-18 qui ont un impact sur un très petit pourcentage d’utilisateurs canadiens», a mentionné mercredi le porte-parole de Google, Shay Purdy, dans une déclaration écrite.
Vendredi, M. Trudeau a affirmé que les Canadiens s’attendent à ce que «les journalistes soient bien payés pour le travail qu’ils font».
Meta a aussi menacé de retirer le contenu journalistique de son réseau social au Canada. L’entreprise a eu le même réflexe en Australie quand une loi similaire a été adoptée, mais a finalement fait marche arrière.
Google a soutenu avoir été «totalement transparent» quant à ses préoccupations relatives à la pièce législative mise de l’avant par Ottawa et présentement étudiée par les sénateurs.
«Nous restons déterminés à soutenir un avenir durable pour les nouvelles au Canada et à offrir des solutions qui corrigent le projet de loi C-18», a ajouté M. Purdy.
La société préférerait contribuer à un fonds semblable au Fonds des médias du Canada que l’approche préconisée par le gouvernement Trudeau.
Le ministère du Patrimoine évalue que 450 médias d’information ont dû mettre la clé sous la porte de 2008 à 2021 alors que les géants du web encaissent d’imposants profits en partageant du contenu journalistique.
Si l’effet de la législation s’avérait comparable à la loi similaire australienne, les sommes revenant aux médias d’information canadiens pourraient «aller quelque part entre 150 à 200 millions $», avait évoqué le ministre responsable de ce dossier, Pablo Rodriguez, au moment de présenter le C-18.
Si la proposition libérale est adoptée, les plateformes soumises à la future loi auront un délai de six mois pour conclure des ententes sur une base volontaire avec des médias et démontrer au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) que ces accords sont satisfaisants en vertu de six critères.
Ces derniers prévoient notamment que les ententes fournissent «une indemnisation équitable» aux entreprises de nouvelles et qu’elles contribuent à «la viabilité des entreprises indépendantes de nouvelles locales».
Les libéraux estiment que leur approche rétablirait le rapport de force dans les négociations à la faveur des médias qui sont, à leur avis, désavantagés dans l’état actuel des choses.
Plusieurs groupes médiatiques ont déjà conclu des ententes avec Meta et Google, lesquelles sont demeurées confidentielles. La Presse Canadienne a d’ailleurs un partenariat avec Meta depuis 2020 pour un programme visant à fournir une dizaine de bourses par année à de jeunes journalistes en début de carrière.
En témoignant devant un comité de la Chambre des communes, des représentants de Meta avaient signalé n’avoir «jamais payé pour des liens» en vertu de ses ententes conclues avec des groupes de presse canadiens et australiens et n’avoir aucune intention de le faire dans le futur.