SAINT-APOLLINAIRE, Qc — L’alerte Amber déclenchée jeudi et qui s’est transformée en une chasse à l’homme depuis la découverte des corps des petites Romy et Norah Carpentier, samedi à Saint-Apollinaire, crée un climat anxiogène au sein de la collectivité et des villages environnants.
Pas nécessaire de chercher bien loin pour constater qu’il se passe quelque chose de grave dans la municipalité de la MRC de Lotbinière. Les véhicules de la Sûreté du Québec (SQ) sont visibles partout. La SQ a réquisitionné le centre multifonctionnel qu’elle a transformé en poste de commandement. Et des hélicoptères décollent et atterrissent sur les terrains de soccer du parc Terry-Fox, situé tout juste derrière le quartier général temporaire.
Cédric Lambert est natif de Saint-Apollinaire et jamais le jeune homme de 23 ans n’aurait cru voir un déploiement policier d’une telle ampleur dans son petit coin de pays. «Voir des policiers partout, des hélicoptères, on n’aurait jamais cru ça. Puis de savoir qu’ils ont retrouvé les petites filles ici, c’est « freakant »», partage-t-il.
Sa conjointe, Marie-Myriam Dion, elle-même mère de deux enfants en garde partagée, confie ressentir une certaine insécurité. «J’ai quand même hâte qu’ils le retrouvent, dit-elle. Je barre mes portes à la maison dès que je suis seule.»
De l’avis de Cédric Lambert, le suspect recherché, Martin Carpentier, pourrait représenter un danger. «Rendu à ce stade-là, on ne sait pas où il en est. C’est sûr qu’il n’a pas dû très bien manger de ce temps-là, fait-il remarquer. On s’entend qu’il ne peut pas rentrer au IGA s’acheter de la bouffe, il se ferait repérer tout de suite!»
Le couple a tenté de contribuer aux recherches en sillonnant les rangs en voiture dans les secteurs boisés, dont le rang Bois Joly, où ont été retrouvés les corps inanimés des enfants. Dimanche, le rang était fermé à la circulation puisque des policiers arpentaient un boisé extrêmement dense, à la recherche d’indices pouvant leur permettre de suivre la piste de l’homme recherché.
Comme tout le monde, Mme Dion et M. Lambert ne parviennent pas à s’expliquer pourquoi un père pourrait s’en prendre à ses propres enfants.
Cette même question trotte aussi dans la tête de Denis Duchesneau, un citoyen de Saint-Antoine-de-Tilly. «C’était sûrement un bon père au départ, avant qu’il ne se passe quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Est-ce que c’est un trouble mental?», s’interroge-t-il.
Jocelyne Fortier habite le village voisin, Saint-Agapit, où des recherches ont aussi été menées. Elle reconnaît que cette traque qui s’étire l’inquiète. «C’est épouvantable, c’est stressant. On barre nos portes, on ne sait pas s’il est dangereux ou quoi que ce soit», mentionne-t-elle.
L’accident de voiture à l’origine du déclenchement de l’alerte Amber a eu lieu tout près de la résidence de son frère. Et le malheureux sort des fillettes lui renvoie l’image de ses propres petites nièces qui ont environ le même âge que les victimes.
«Ça nous touche, c’est sûr! Dès qu’il y a des enfants d’impliqués, c’est encore plus difficile, ajoute Mme Fortier. Je trouve ça dommage, pourquoi s’en prendre aux enfants? Ils n’ont pas demandé de venir au monde.»
La femme visiblement empathique envers la famille éprouvée n’a cependant pas poussé son intérêt jusqu’à tenter elle-même de participer aux recherches. «Je pense qu’il faut laisser la place aux policiers pour travailler», croit-elle.
Tout le battage médiatique qui entoure cette impressionnante opération policière laisse aussi un arrière-goût amer pour Cédric Lambert. Si le jeune homme a l’habitude de voir des points d’interrogation dans les yeux des gens quand il parle de Saint-Apollinaire, il est tout à fait conscient que cet épisode vient de la «mettre sur la map». Et malheureusement, pas pour les bonnes raisons.