TORONTO — Le plus haut tribunal de l’Ontario a rejeté la requête intentée par une famille de la région de Toronto qui se battait pour que sa fille soit maintenue en vie artificiellement, même si les médecins avaient conclu à sa mort cérébrale.
La Cour d’appel a toutefois refusé de se prononcer sur l’opportunité d’appliquer des critères d’accommodements religieux lorsque vient le temps de déterminer si une personne est morte.
Dans une décision unanime de trois juges, la Cour d’appel conclut que même si la loi en Ontario ne donne pas une définition précise de la mort, la «common law» au Canada considère qu’une personne est morte lorsqu’il y a cessation irréversible des fonctions cardiorespiratoires ou cérébrales.
Le tribunal estime toutefois que les informations dont il dispose dans cette cause ne sont pas suffisantes pour régler les questions qui sont au cœur de cette affaire — notamment si les critères actuels utilisés pour déclarer la mort violent le droit constitutionnel à la liberté de religion.
La Cour d’appel note également que la femme au cœur du recours, Taquisha McKitty, est depuis décédée — selon les critères à la fois neurologiques et cardiovasculaires —, ce qui rend le jugement sans objet. Le tribunal admet toutefois que les mêmes questions se poseront probablement dans d’autres affaires et il énonce des lignes directrices sur la manière d’évaluer ces arguments à l’avenir, soulignant que la juge de première instance avait commis plusieurs erreurs.
La Cour a notamment estimé que la juge avait affirmé à tort que Taquisha McKitty ne pouvait pas être protégée par la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, car une patiente déclarée cliniquement morte n’est pas juridiquement une «personne».
Le coeur qui bat
Mme McKitty avait 27 ans lorsque les médecins l’ont déclarée «morte selon les critères neurologiques», en septembre 2017, à la suite d’une surdose de drogue qui l’avait laissée inconsciente.
Ses proches se sont alors tournés vers les tribunaux pour empêcher les médecins de débrancher les appareils qui la maintenaient en vie: ils soutenaient que la foi chrétienne de la patiente définissait la mort comme l’absence de battements du cœur, et non la cessation des fonctions cérébrales.
Or, ils ont fait valoir que la Charte canadienne des droits et libertés obligeait les médecins à s’accommoder aux croyances religieuses de la patiente au moment de déterminer le décès, et ils ont obtenu une injonction pour garder Mme McKitty sous respirateur jusqu’à ce que la cause soit entendue sur le fond. Mais une juge de la Cour supérieure de l’Ontario a par la suite débouté en juin 2018 la famille, qui a interjeté appel.
L’avocat de la famille, Hugh Scher, a indiqué mercredi que ses clients n’avaient pas encore décidé s’ils demanderaient l’autorisation d’interjeter appel de cette décision en Cour suprême du Canada.
Le père de Mme McKitty, Stanley Stewart, a réitéré sa conviction que des accommodements religieux sont nécessaires pour déterminer si une personne est décédée.
«Si on ne peut pas s’appuyer sur ses valeurs et ses croyances religieuses les plus sacrées au moment même de sa mort, au moment où on espère le plus y puiser du réconfort, on doit alors se demander que vaut la protection constitutionnelle des libertés religieuses et de l’égalité.»