TORONTO — Des milliards de dollars sont en jeu en Ontario avec la contestation judiciaire de la loi controversée du gouvernement Ford qui a plafonné les augmentations de salaire des employés du secteur public.
Une audience de trois jours débute mardi en Cour d’appel, le plus haut tribunal de l’Ontario. En novembre dernier, la Cour supérieure a invalidé la «Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures».
Le juge de la Cour supérieure a conclu que cette loi, communément appelée en Ontario le «projet de loi 124», était inconstitutionnelle. Le gouvernement de Doug Ford, qui l’avait fait adopter, a fait appel de cette décision.
L’Ontario compte quelque 780 000 employés des secteurs public et parapublic, notamment des enseignants, des infirmières et la plupart des employés du gouvernement provincial. La nouvelle loi, entrée en vigueur en 2019, limitait leur augmentation de salaire à 1 % par année pendant trois ans.
Le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario affirme que si la loi est toujours invalidée, la province devra aux employés du secteur public environ 8,4 milliards $ sur cinq ans. L’Ontario a déjà versé environ 1 milliard $ aux employés qui sont récemment allés en arbitrage pour rouvrir leurs conventions collectives à la suite de la décision de la Cour supérieure.
Dans son mémoire déposé auprès de la Cour d’appel, le gouvernement soutient que le juge Markus Koehnen a commis «des erreurs de droit fondamentales», notamment en appliquant incorrectement l’article de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit la liberté d’association.
Le gouvernement plaide que la loi n’interfère pas avec les droits collectifs à des négociations libres et équitables. Plus de 10 organisations qui contestent la loi soutiennent le contraire.
Le gouvernement Ford soutient que la loi ne limite les négociations qu’au plafond d’augmentation annuelle de 1 % et que d’autres négociations monétaires et non monétaires sont toujours autorisées.
Il a fait valoir que la province était dans une situation financière difficile au moment où la loi a été promulguée et qu’il était donc nécessaire de l’adopter pour contribuer à réduire le déficit.
Déséquilibre des négociations
Plus de 10 organisations syndicales représentant des centaines de milliers d’employés du secteur public font partie du processus d’appel. Dans leurs mémoires déposés en Cour d’appel, ils plaident que le juge de première instance qui a invalidé la loi avait rendu une «décision soigneusement motivée».
«Le tribunal a conclu que la Couronne n’avait pas réussi à prouver que le projet de loi 124 était raisonnable, proportionné et justifié dans sa violation des droits garantis par la Charte», a écrit le Syndicat des enseignants des écoles catholiques anglophones de l’Ontario.
«Le projet de loi 124 a gravement miné le pouvoir de négociation du syndicat à la fois en légiférant sur le résultat préféré de la Couronne et de l’employeur en ce qui concerne la condition fondamentale d’emploi (rémunération) et en rendant illégales les grèves sur la rémunération», plaide le syndicat.
«La rémunération a été de fait retirée de la table et ne pouvait pas être utilisée pour faire des compromis contre d’autres conditions de travail afin de réaliser des gains dans d’autres domaines.»
Cette loi «a complètement faussé le processus de négociation» en faveur du gouvernement, plaident aussi les syndicats.
Les organisations soutiennent également que l’Ontario n’était pas en crise financière à l’époque et que, par conséquent, cette loi n’était pas nécessaire.