OTTAWA — La Cour suprême accepte d’entendre un appel de Québecet de plusieurs médias incluant La Presse Canadienne visant à dévoiler certaines informationsentourant un «procès fantôme» tenu dans le secret absolu.
Le plus haut tribunal au pays en a fait l’annonce jeudi.
Le quotidien «La Presse» a révéléen mars 2022 que la Cour d’appel du Québec avait découvert l’existence de ce procès tenu dans le plus grand secret.
Dans cette affaire, un informateur de police dont l’identité est protégée était jugé puisqu’il était accusé d’un crime dont la nature est demeurée confidentielle.Il a été reconnu coupable en première instance et un arrêt de procédures a été ordonné, ensuite, par la Cour d’appel.
Le procès n’avait laissé pratiquement aucune trace. Il n’est pas possible, par exemple, de savoir quel corps policier était impliqué ni à quel moment les faits se seraient déroulés. On ne sait pas non plus quel tribunal a entendu l’affaire en première instance, qui étaient les avocats ainsi que le juge.
Des juges de la Cour d’appel avaient déclaré que le déroulement de ce procès derrière des portes closes contrevenait au principe du système de justice public.
Ce tribunal a permis d’apprendre la tenue du «procès secret», en publiant le 23 mars 2022 un arrêt caviardé au sujet de cette affaire. Le tribunal a été mis au fait dece procès tenu à huis clos en première instance puisque l’accusé, reconnu coupable, a interjeté appel.
Dans la foulée de ces révélations, un consortium de médias incluant Radio-Canada, La Presse et La Presse Canadienne a demandé la levée partielle ou complète de la mise sous scellés des informations demeurées secrètes.
Le procureur général du Québec a demandé une modification en ce sens de la mise sous scellés du dossier. Les requêtes ont été rejetées par la Cour d’appel, qui a soutenu ne pas avoir la «compétence» d’annuler les ordonnances de confidentialité prononcées par le juge de première instance.
L’avocat représentant les médias, Me Christian Leblanc, a dit se réjouir de la décision de la Cour suprême d’entendre cette affaire.
«Je pense que je ne suis pas trop dramatique quand je dis que la publicité des débats judiciaires et l’existence même de savoir ce qui se passe devant nos tribunaux, c’est vraiment au cœur de la démocratie canadienne», a-t-il soutenu en entrevue.
Il a souligné que ses clients ne remettent pas en question la nécessité de protéger l’identité de l’informateur de police. Les médias croient toutefois qu’il est possible de dévoiler certaines informations, comme la Cour qui a entendu la cause en première instance et dans quel district.
«Qu’on sache si c’est la Cour supérieure ou la Cour du Québec qui a entendu cette affaire, par exemple, même si je tente d’imaginer (…) comment ça pourrait menacer l’identité d’un indicateur de police, c’est difficile à comprendre», a-t-il dit.
La Cour d’appelest d’avis que la décision de porter des accusations contre l’informateur de police est à «la source du problème».
Cela a porté atteinte aux droits de l’accusé et au principe de la publicité des débats judiciaires, a écrit le tribunal dans sa décision.
«Les circonstances ont forcé la main du juge» qui n’avait désormais «guère le choix» d’ordonner le huis clos, a fait valoir le tribunal dans sa décision.
Cela «a fini par engendrer une situation dont il est maintenant impossible de s’extirper autrement qu’en préservant le secret sur ces renseignements ordinairement publics que sont l’identité du corps de police, de la poursuivante, des avocat.e.s de celle-ci et de (l’informateur), de même que l’identité du tribunal (incluant le district judiciaire) et du juge de première instance», peut-on lire.
Face au revers en Cour d’appel, le regroupement de médias et Québec se sont tournés vers la Cour suprême, qui a accepté de se saisir du dossier. Le plus haut tribunal au pays a aussi accepté que la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, soit intervenante dans ce dossier.